Signac (1863-1935)
Femmes au puits
1892
Huile sur toile
Dim 195 x 131 cm
Conservé au musée d’Orsay
De 1892 à 1913 Signac séjourne à Saint Tropez.
En 1892, le peintre réalise une grande composition Temps d’Harmonie.
Dans l’une des premières esquisses pour ce tableau figurent deux femmes occupées à tirer l’eau d’un puits
Signac décide d’isoler ces deux personnages et de leur consacrer une toile.
Description
Deux femmes puisent de l’eau à un puits, une troisième s’éloigne sur le sentier qui grimpe sur la colline. Sur le sommet de la colline on aperçoit une citadelle et un bosquet d’arbres. On distingue la jetée du port de Saint Tropez et son phare, au loin les montagnes de l’Estérel et des Maures. Sur la mer voguent des voiliers, d’autres sont amarrés.
Composition
La toile est traversée par une grande diagonale qui découpe la composition en deux parties ; d’un côté la mer et le ciel de l’autre la colline.
La toile est scandée de verticales qui rythment la représentation et dont l’échelonnement induit la distance dans le tableau : les cruches devant et sur le puits, les femmes debout de part et d’autre du puits, la chaîne du puits, plus loin le phare et la troisième femme dans le sentier, encore plus loin les voiles des bateaux puis, la chaîne de montagne qui se dissout dans une perspective atmosphérique, afin sur la droite du tableau les verticales de la citadelle et des pins.
Les principales lignes directrices s’accordent avec le sentier de la colline.
La scène est placée au centre du tableau, marqué par la chaîne du puits ; elle s’inscrit dans un triangle dessiné par les silhouettes des deux femmes.
Le tableau est fait de contrastes entre les couleurs complémentaires.
La matière de ce tableau est rendue uniforme par l’utilisation systématique de petits points colorés. Signac utilise la technique du pointillisme initiée par Seurat. Il juxtapose sur la toile des touches de ton pur contrastées dont l’effet est visible à une certaine distance du tableau.
De multiples bleus et aussi du violet composent la mer et les jupes des femmes dans des proportions différentes.
C’est l’utilisation de ces différents bleus qui fait toute la complexité et la richesse de cette représentation.
Au premier plan Signac exprime l’ombre par une alternance au sol de couleurs chaudes et froides.
C’est le travail sur la lumière qui occupe Signac.
Au-delà du premier plan, tout le tableau baigne dans la lumière écrasante du soleil du Midi.
Le ressentie de la chaleur et du soleil se voit dans les drapés pesants de la jupe violette, dans les formes raides, dans les points lumineux qui parsèment la toile accrochés au chapeau, plaqués sur la pierre du puits, glissés sur le chemin de la colline.
La lumière provient de la toile elle-même et de ses couleurs acides avec une dominante de jaune.
Analyse
Signac est un fervent admirateur de Monet et il est passionné de navigation :
On retrouve dans ses premières toiles le goût des paysages au bord de l’eau où la lumière et le paysage se reflètent et miroitent
Femme au bord d’un puits est un décor
C’est ce que Signac a voulu, peindre ce paysage comme un décor.
Il dit de cette toile :
« cette décoration est conçue pour un panneau placé dans la pénombre ».
Signac a peint d’autres toiles dans le même esprit :
Le grand canal à Venise en 1905 et La calanque en 1906
il n’y a pas de relief dans ce paysage.
Signac peint au premier plan une ombre géante dont la forme en volute suggère qu’il s’agit de l’ombre d’arbres. Cette ombre est très travaillée, les verts de la même intensité que celle des cruches émaillées annulent l’espace.
Signac peint les différents plans du paysage de manière à ce qu’ils se fondent les uns dans les autres, et donne ainsi un effet de planéité à sa peinture, conforme à l’idée du décor.
Conclusion
La grande composition Temps d’harmonie dont est extrait Femmes au puits est une allégorie de la société idéale et l’illustration du bonheur de vivre.
Une vision utopiste d’une époque future où l’humanité connaitra la paix et le bonheur.
Signac recherche l’harmonie dans le sujet et la composition.
Les toiles pointillistes ne sont pas de froides applications des théories scientifiques. La technique se met au service de la sensation du peintre.
Le pointillisme est une affaire de sensibilité. Il suffit de comparer la poésie dépouillée d’un tableau d’Henri-Edmond Cross et la peinture lumineuse de Signac.
Fidèle au salon des Indépendants dont il deviendra le président en 1909, il expose chaque année, aux côtés de Seurat, de Toulouse-Lautrec et de Van Gogh.
Signac travaille en étroite collaboration avec Seurat et pose avec lui les bases scientifiques du « pointillisme ». Après la mort de Seurat, il prend la tête du mouvement.
La période de Saint Tropez est le moment où Signac écrit son essai :
D’Eugène Delacroix au Néo-impressionnisme.
Ce texte influencera les peintres, étant le seul traité théorique et technique, au moment où l’on croit à l’avènement d’un art nouveau : l’art de la couleur.
Il influencera entre autres, Matisse, Kandinsky, Klee, Mondrian, Kupka.
Matisse applique la loi du contraste simultané des couleurs mais, se dégage de la touche pointilliste, pour travailler à plat, c’est la naissance du Fauvisme.