Femme assise (portrait de Marie-Thérèse Walter) -1937 Pablo Picasso

 

Pablo Picasso (1891-1973)

 

Femme assise (portrait de Marie-Thérèse Walter)

1937

Huile sur toile

Dim 100 x 81 cm

Conservé dans une collection particulière

 

Le peintre

Picasso est né en Andalousie, à Malaga. Il adopte le nom de sa mère d’origine italienne : Picasso.
C’est un enfant surdoué il peint ses premières toiles à l’âge de 8 ans.
En 1895, il intègre les Beaux-Arts de Barcelone.
Picasso arrive à Paris en 1904. Il s’installe au « Bateau-Lavoir ». Il rencontre des amis qui allaient prendre une place importante dans sa vie d’artiste, tels Georges Braque, Guillaume Apollinaire et Max jacob.
Il fait la connaissance d’une artiste et modèle, qui devient sa muse et sa maîtresse, Fernande Olivier. Elle figure dans nombre de ses tableaux des périodes rose et cubiste. Leur relation dure sept ans, elle inspira 60 toiles.
La période rose correspond aux premières années de Picasso en France et se caractérise par des personnages délicats figurés dans des teintes gaies rosées, contrastant avec la période bleue qui remonte à l’époque où il vivait en Espagne.
Quand Fernande le quitte, Picasso se console avec Eva Gouel qui lui a inspiré des toiles semi-abstraites comme J’aime Eva –1912. Eva meurt de la fièvre typhoïde ou de la tuberculose en 1915.
Lorsqu’il travailla avec Jean Cocteau et Serge de Diaghilev sur le ballet Parade –1917, Picasso se découvrit un intérêt nouveau pour les formes et les sujets classiques et entama une nouvelle liaison avec Olga Khokhlova danseuse de ballet russe qu’il épouse en 1918. Leur relation et son travail pour les ballets russes encouragèrent un dialogue dans son œuvre entre la musique, la danse et les beaux-arts. Cette relation est l’une des plus importante de sa vie. Olga influence Picasso dans sa représentation de la femme, lui faisant opter pour une approche plus naturaliste. En 1921 elle lui donne un fils, Paulo.
Puis Picasso rencontra par hasard en 1926 la très jeune Marie-Thérèse Walter, leur histoire d’amour dura quinze ans. Marie-Thérèse est la mère de Maya. Picasso est en pleine période surréaliste.
La photographe Dora Maar, amie de Bataille et de Breton, lui succéda officiellement mais, dans les faits il débute cette liaison alors qu’il n’a pas rompu avec Marie-Thérèse. Ces liaisons simultanées avec deux femmes très dissemblables ont un impact créatif.
Dora Maar stimule son imagination, Picasso est dans sa seconde période cubiste. Elle documente en photos la réalisation de Guernica où Picasso représente Marie-Thérèse dans un coin (à droite de la composition), Dora Maar dans l’autre (à gauche de la composition) et un taureau qui incarne la brutalité et l’obscurité.
Après sept ans de relation, Picasso quitte Dora pour Françoise Gilot avec qui il a deux enfants, Claude et Paloma.
La dernière femme de sa vie rencontrée en 1953 sera sa seconde épouse, c’est Jacqueline Roque. Elle sera une grande source d’inspiration. Picasso a réalisé 400 portraits d’elle. Ils ont vécu vingt ans ensemble.
Picasso meurt à Mougins en avril 1973, à l’âge de 92 ans.
Il ne cessait de répéter : « Dans la vie, il est beaucoup plus facile de commencer que de s’arrêter. »

Sa carrière se décompose en périodes :
Période bleue 1901-1904
Période rose 1904-1906
Période cubiste 1907-1914
Période des ballets russes Parade-1917
Période surréaliste Fille au Miroir -1930
Période pacifiste 1930-1940 sculpture Le Baiser
Période de l’engagement au PC la colombe de la Paix -1949
Période Vallauris le temps des céramiques
Période des dernières années Autoportrait face à la mort -1972


Le tableau

Femme assise (portrait de Marie-Thérèse Walter) a été conservé dans la famille du peintre jusqu’en 1995, date à laquelle Marina Picasso, petite-fille du peintre, s’en est séparé.

En 1997, il a été revendu une première fois chez Christie’s.

 

 Composition

Picasso utilise les techniques spatiales du cubisme pour créer une profondeur

Notre regard pris par les diagonales colorées se retrouve dans un coin de la pièce loin derrière le fauteuil placé au premier plan sur le bord du tableau.

La perspective est multiple et génère deux points de vue.
Celui qui nous emmène au fond du tableau et celui qui nous place en dessous du personnage donnant l’impression que la jeune-femme va tomber sur le regardeur.

Picasso fait exploser la couleur.
L’agencement des couleurs vives expriment la joie et la sensualité.
Les tons verts contre les rouges donnent l’impression du mouvement, le modèle bouge, se cale dans son fauteuil.
La couleur, cernée par un fin trait noir, ne déborde pas.

Un pan de mur a la couleur du ciel, comme une grande baie laissant entrer le jour.

Marie-Thérèse nous regarde un bras posé sur l’accoudoir du fauteuil, son attitude est coquette, féminine.
Le traitement du visage est un enchainement d’angle et de courbe.
La jeune-femme est enjouée.
Ses courbes voluptueuses sont soulignées par les lignes du vêtement de toutes les couleurs.
Picasso insiste sur la poitrine, matérialisée par deux petits cercles rebondis comme deux balles de tennis.

Picasso nous montre une Marie-Thérèse au corps sensuel.

Les courbes des vêtements se prolongent dans celles du fauteuil, le galbe des bras fait écho à ceux de l’accoudoir et de la jupe.

Tout dans ce portrait est harmonieux et maîtrisé.

 

 Analyse

Picasso déforme l’image, c’est sa façon de réagir à son époque.

Dans un de ses carnets Picasso a écrit : « la peinture est plus forte que moi, elle me fait faire ce qu’elle veut ».

Pablo Picasso aimait les femmes, elles l’inspirent dans sa recherche de vérité.
Il puisa en elles un élan créatif à la passion inextinguible.

Véritables muses de l’artiste, les femmes furent nombreuses dans sa vie.
Ses divers portraits relatent l’histoire de ses relations, mais aussi l’évolution complexe de son style, dont la forme féminine constitua un vecteur.
Picasso tour à tour vampirise, magnifie et disloque ses muses sur la toile.

Il a la sensation de ce qu’il exprime et l’exprime clairement,  Picasso a la fureur de peindre.

L’absence de nom de Marie-Thérèse dans les tableaux dont elle fut le modèle trahit la nature cachée et secrète de leur relation. La jeune-femme étant de vingt-huit ans sa cadette avait choqué même les plus avant-gardistes.

Les titres généraux Femme se coiffant –1906 et Baigneuse assise –1930 permettent à Picasso d’aborder des sujets conventionnels, tout en subvertissant la tradition grâce à un intérêt pour la sculpture ibérique ou pour les distorsions surréalistes.

Quand Dora Maar devint son modèle en 1937, il était alors inspiré par des sujets plus politiques, rendus personnels par sa ville natale de Malaga. La guerre civile allait devenir le sujet du vaste Guernica –1937.

Ce portait coquet de Marie-Thérèse apparaît comme un pendant direct de celui de Dora Maar exécuté la même année.
Quand une maîtresse fougueuse remplaçait peu à peu l’autre.
Aux yeux de Picasso Marie-Thérèse et Dora incarnaient deux formes de féminité complémentaires, deux facettes opposées qui le séduisaient tout autant, douceur et gaité pour Marie-Thérèse, ardeur et mélancolie pour Dora.
Dans des poses presque identiques, en miroir, les deux femmes semblent s’affronter, telles des portraits d’Ingres ou des femmes de cartes à jouer.
Le chapeau de soleil et les cheveux blonds de Marie-Thérèse l’identifiant à une femme de la campagne appréciant le soleil, tandis que Dora est une parisienne chic, aux cheveux coiffés et aux ongles longs vernis de rouge.

Les lignes qui forment les vêtements de Marie-Thérèse évoquent les tricots qu’elle portait, tout en indiquant l’intérêt croissant de Picasso pour les motifs de tapisserie et pour la céramique.

Picasso est attentif à introduire dans sa composition des éléments descriptifs tels, le chapeau, le fauteuil, le corps du personnage et à utiliser des couleurs franches.
Dans ce portrait de Marie-Thérèse, son sens des télescopages des langages figuratifs – la facture céramique du vêtement et le traitement archaïsant du visage, témoignent de sa perpétuelle recherche d’inventivité et de vérité.

Picasso manipule la couleur pour créer un portrait résolument joyeux de sa maitresse.

Picasso peint de telle sorte que le regardeur devant ses toiles invente à sa façon à lui et dans sa liberté à lui.

1937,  est l’année de Guernica, ce portrait de Marie-Thérèse est aussi une œuvre importante.

 

Conclusion

C’est un génie très créatif, plus de 50 000 œuvres sont répertoriées.
Il aurait pu s’arrêter à l’une de ses périodes, mais il a continué à chercher toute sa vie d’artiste.
Sa côte est exceptionnelle : artiste classé numéro 2 derrière Gauguin et devant Van Gogh.

Son œuvre fait partie du patrimoine mondial.

Picasso trouve sa puissance créative dans les profondeurs les plus noires de son âme, comme en témoigne cette confession publiée dans un numéro spécial Picasso de Life dans les années 1970 : « Dans l’art, le peuple ne cherche plus ni réconfort, ni exaltation. Mais les raffinés, les oisifs, les coupeurs de cheveux en quatre, eux, cherchent le nouveau, l’étrange, l’original, l’extravagant, le scandaleux. Quant à moi, depuis le cubisme, j’ai fait plaisir à ces seigneurs, à ces critiques, avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées dans la tête, et moins ils les comprenaient plus ils les admiraient. À force de m’être amusé à tous ces jeux acrobatiques, rébus, arabesques, je suis très vite devenu célèbre. Et la célébrité signifie pour un peintre vente, gain, fortune, richesse. À présent, comme vous le savez je suis riche et célèbre. Mais quand je suis seul avec moi-même, je n’ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens ancien et grand du mot. Giotto et Titien, Rembrandt, Goya sont de vrais peintres. Moi je ne suis qu’un « amuseur public » qui a compris son temps et exploité au mieux l’imbécilité, la vanité et la convoitise de ses contemporains. Ma confession est amère, plus douloureuse que vous ne pourriez le croire, mais elle a le mérite d’être sincère. »

Life publie ce texte comme étant de Picasso, il n’en est rien ! il est extrait d’un livre italien de Papini Le livre noir –1951. Ce livre renferme des interviews inventées d’hommes célèbres dont celle de Picasso citée ci-dessus.
Le faux donné pour vrai réjouit le public : enfin il avoue ! et les peintres du monde entier comprennent tout de suite que c’est un faux et réclament des rectifications.

Le XXe est le siècle de Picasso, car lui seul représente l’art moderne tout entier.
Picasso est l’homme typique du siècle de l’émancipation des idées, et de cette émancipation dans les arts.

Hélène Parmelin -extrait de l’article Picasso et l’avant-garde -1972 : « …Ce siècle peut être redevable à Picasso de quelque chose, en dehors de toute l’œuvre fabuleuse qu’il lui a donnée, c’est que, dans sa peinture, comme dans les esprits, il a été et continue à être un promoteur de liberté, un homme de l’avant-garde véritable, celle qui cherche toujours ailleurs et que personne ne peut définir. »