Jean Cousin l’Ancien (1490-1560)
Eva prima Pandora
1550
Huile sur panneau de bois
Dim 97 x 150 cm
Conservé au musée du Louvre
Lors de l’entrée d’Henri II à Paris en 1549, Jean Cousin orna un arc triomphal d’une allégorie de Paris en « nouvelle Pandore vêtue en nymphe ».
Il reprend ce thème pour ce tableau.
Ève commit le péché originel, elle est assimilée à Pandore dans la mythologie grecque.
Pandore répandit les maux parmi les hommes en ouvrant par curiosité le vase d’Épiméthée.
Composition
Une ligne de force horizontale organise la mise en place de l’espace pictural en deux plans.
La composition privilégie le personnage en l’installant au premier plan et met le paysage dans la perspective.
Le corps d’Ève allongé au premier plan occupe la moitié du tableau.
Les lignes sinueuses de son corps sont comme un écho à l’onde du fleuve du second plan.
Il se dégage de cette composition une grande harmonie.
Ève est nue dans une grotte ouverte sur deux arcades, découvrant deux aspects d’un paysage qui occupe le deuxième plan.
Au premier plan
La jeune-femme tient une jarre de la main gauche d’où s’échappe un serpent qui glisse le long de son bras. Dans son dos, un vase rouge orné d’un grotesque en relief est posé sur un promontoire. Son bras droit repose sur un crâne symbole de la vanité des choses de ce monde.
La jeune-femme ne regarde pas le spectateur comme le veut la tradition iconographique du XVIe des vénus et des courtisanes.
Son regard est tourné vers la branche de pommier qu’elle tient dans la main droite.
Le second plan
distribue un double paysage.
Par l’arcade de gauche, le spectateur découvre une perspective atmosphérique rigoureuse mettant en scène des illusions spatiales.
On distingue un village et son clocher et sur une colline, un château fortifié. C’est un paysage organisé.
Par l’arcade de droite, apparaît un paysage sauvage d’arbres et de végétation échevelée.
La lumière vient de la gauche du tableau, elle éclaire et modèle subtilement le corps de la jeune-femme.
Analyse
En tournant son regard vers la branche de pommier, la jeune-femme signale au spectateur le détournement de sens du tableau que le peintre apporte par l’intitulé Eva prima Pandora
Ce corps est-il une image de la beauté vaine du corps de la femme qui ne dure pas , telle la boite que Pandore ouvre par curiosité, ou bien est-il le fruit de l’arbre de la connaissance partagé par Ève.
Le tableau conduit à une comparaison entre Ève et Pandore.
La raideur de profil grec de son visage contraste avec la douceur des formes du corps.
La présence d’une vanité, le crâne, évoque le caractère éphémère de la vie et de la beauté.
La quantité de références thématiques et imagées qui se côtoient donne libre cours au maniement des allégories :
Pandore pose sa main sur le vase pour retenir les maux de l’humanité qui se sont échappés par sa faute, alors qu’ils devaient rester prisonniers à jamais.
Cet acte maléfique est similaire à celui d’Ève qui par le partage du fruit de l’arbre de la connaissance déclenche l’expulsion du paradis et la connaissance du mal.
Ève ou Pandore, appartient-elle au monde de la bible ou de la mythologie païenne
Toutes deux ont désobéi, par curiosité et sont à l’origine des malheurs de l’humanité.
Les attributs d’Ève évoquent la double référence, à la fois religieuse et mythologique :
Le serpent de la tentation enroulé autour de son bras gauche et la branche du pommier qu’elle tient dans sa main droite sont le symbole du péché originel.
Le vase sur lequel est posée sa main gauche est le vase de Pandore et le profil du visage est celui de Pandore.
Quand est-il du deuxième vase fermé, posé sur le promontoire.
La présence de deux vases, l’un ouvert, l’autre fermé, évoque le lien entre la peinture mythologique et la peinture religieuse.
Les influences de Cousin
La position du corps d’Eva prima Pandora est inspirée de la Vénus d’Urbino -1538 de Titien
Le délicat modelé du corps et la finesse de l’exécution picturale reflètent l’influence de Léonard de Vinci.
Les jambes démesurément allongées et les lignes sinueuses d’Eva prima Pandora empruntent aux nus peints par Rosso Fiorentino et Le Primatice, dans la galerie François 1er du château de Fontainebleau.
Le raffinement dans le traitement du diadème dans les cheveux est une caractéristique du maniérisme français de l’école de Fontainebleau.
Enfin et principalement, Cousin s’inspire d’œuvres sculptées dont la forme et la composition remontent à l’antiquité.
Ce tableau est d’abord une représentation idéale de la femme.
Suivant l’exemple de Léonard de Vinci, la perfection du corps d’Ève est la conséquence de calculs anatomiques et géométriques.
Aussi habile dans le domaine de la perspective que celui de l’anatomie, Cousin dans ce tableau met en pratique les théories élaborées dans les traités qu’il a rédigés.
Il se forge ainsi une image d’artiste savant qui conduira François 1er à lui accorder sa confiance après le décès de léonard de Vinci.
Conclusion
Le motif de la séduction fatale d’Eva Pandora associé à un serpent se retrouve dans les représentations de Cléopâtre au début du XVIe.
Ce rapprochement iconographique avec Cléopâtre et ses charmes pernicieux donne au tableau une aura romanesque.
Cousin fait un hommage à la « Nymphe » en bronze de Cellini réalisée pour le fronton principal du château de Fontainebleau.
Eva prima Pandora grâce aux références à l’Antiquité qu’elle intègre, bénéficie d’une bonne renommée.
Elle est reprise plusieurs fois au courant du XVIe et XVIIe à Sens (lieu de vie de Cousin où le tableau restera dans sa famille de longues années) tant en gravure qu’en sculpture.
Le tableau est acheté par les Amis du Louvre et donné au musée en 1922.
On considère jean Cousin comme l’initiateur du courant de la Renaissance en France.