Cour d’une maison de Delft – 1658 Pieter De Hooch

Pieter de Hooch (1629-1684)

 

Cour d’une maison à Delft

1658
Huile sur toile
Dim 73 x 60 cm

Conservé à Londres à la National Gallery

 

Le peintre

Pieter de Hooch est un peintre du siècle d’or hollandais.

Ses œuvres de la maturité le placent parmi les grands maîtres des scènes de genre aux côtés de Vermeer.

On connait peu la vie émaillée de revers et d’infortunes de Pieter de Hooch.
On distingue cependant, différentes étapes dans sa vie de peintre,
À Rotterdam, ses œuvres de jeunesse, dans une gamme sourde, sont des scènes d’auberge et de soldats Le verre vide –1650.
À Delft, il se consacre aux scènes d’intérieur, sous l’influence probable de Vermeer, Les soins maternels, la chambre 1658-60. Ses œuvres sont polies par un glacis qui confère aux tableaux une patine opaque.
À Amsterdam ses scènes représentent la quiétude idéalisée de la vie domestique et des intérieurs bourgeois. Ses tableaux sont de plus grand format.
Femme lisant une lettre – 1664, Fête musicale dans une cour -1677
À partir de 1679, on perd la trace du peintre et la date de son décès n’a pas encore pu être établie. La date 1679 est un parti pris par le musée Prinsenhof.

Durant toute sa vie, l’occupation essentielle de Pieter de Hooch sera son travail sur la lumière.

 

Le tableau

Les vues de cours intérieures avec des femmes vaquant à leurs tâches quotidiennes, peintes par Pieter de Hooch vers 1658, représentent un bond en avant du point de vue artistique.

Sa maîtrise de l’espace et de la perspective s’accompagne d’un intérêt renforcé pour les textures, comme les briques de l’arcade de ce tableau et d’un traitement  sophistiqué de la lumière.

Dans cette cour fermée, de Hooch dépeint une servante sortant d’une étable. On devine derrière les claies de bois, le flanc d’une vache. Elle descend quelques marches en portant un plat (probablement un bol de lait) calé contre sa taille et une besace bien pleine est accrochée à sa ceinture. Elle tient une petite fille par la main. La petite fille la regarde et retient de sa main libre un pan de son tablier replié, que cache-t-elle, son sourire témoigne de sa complicité avec la servante.
Sur la gauche, une arche en brique aux couleurs rutilantes ouvre sur un passage et une rue lumineuse dans le fond du tableau. Dans le passage, une deuxième femme observe la rue par la porte ouverte, elle est dos au spectateur.

La tablette en pierre gravée, au-dessus de l’arche, est issue de l’ancien monastère de Hieronymusdale à Delft. L’inscription signifie : « Ceci est le vallon de saint Jérôme, si vous voulez vous retirer dans la patience et l’humilité. Car nous devons d’abord descendre si nous souhaitons nous élever. 1614 »

 

Composition

Le cadre : la cour et la maison. Les personnages justifient le cadre.
C’est un petit format, bâti sur une géométrie stricte.

Trois plans :

Le sol dallé de la cour au premier plan
L’architecture et les personnages au second plan
La rue dans le fond sur le côté gauche du tableau, un morceau de ciel très bleu en partie dissimulé par un gros nuage blanc et le faîte d’un arbre, sur le côté supérieur droit du tableau, constituent le troisième plan.

C’est un travail en profondeur plus, qu’en étendue.

L’effet de perspective est mis en évidence par le rétrécissement de la voûte du passage qui repousse l’espace jusqu’à la rue.

La porte ouverte, le passage, la cour : le peintre fait un usage expressif de l’espace et de la perspective.

L’ensemble est parfaitement cadré.

Hooch crée une variante de la perspective conventionnelle, la présence du balai et du seau sur le dallage, oblige le spectateur à faire attention à ne pas s’entraver ; le peintre place ainsi le spectateur dans la cour. Le peintre donne au spectateur l’illusion de regarder de façon plus réelle, plus mobile, qu’avec une perspective traditionnelle.

Les personnages sont « posés » à l’intérieur du cadre de la composition. Les deux femmes ne communiquent pas. Elles sont séparées par la bâtisse et par leur attitude. L’une est tournée vers la rue -sa mise suggère qu’il s’agit de la maîtresse de maison, l’autre -la servante, est tournée vers l’enfant. Les personnages excluent le spectateur, qui est dans la cour, tout près.

Les tons chauds sont omniprésents (rouge, brun, ocre) et mettent en valeur l’architecture, son arcade aux claveaux blancs et rouges.
La gamme des couleurs s’assourdit pour s’accorder avec la simplicité des costumes, une note de bleu-gris pour la servante, une de jaune d’or pour l’enfant et de rouge pour la jupe de la maitresse de maison.

L’absence d’ombre portée dans la cour nous indique que le soleil est droit au-dessus de la scène et donc qu’il est midi. La porte ouverte du porche encadre la lumière.
C’est la lumière du soleil qui inonde la rue dans le fond du tableau et parsème d’or le feuillage qui court sur le toit de la remise à droite du tableau.

L’ouverture sur l’extérieur vers un arrière-plan, aperçu par l’embrasure d’une porte (ou une fenêtre), devient une signature de P.de Hooch.
Elle permet au peintre de construire l’espace en profondeur et de faire entrer la lumière en plusieurs points.

Le peintre met en scène l’espace pour nous montrer la vie quotidienne et paisible d’un intérieur bourgeois.

Le cadre architectural très réaliste donne une idée précise de la vie à Delft au XVIIe.

 

Analyse

Les tableaux de Pieter de Hooch sont tous des études répondant à la question : comment vais-je faire entrer la lumière dans ce tableau ? comment vais-je construire mon espace pour faire-valoir la lumière ?

L’entrée de la lumière dans le cadre est le sujet.

La lumière est l’instrument créateur de l’image.
Elle est le fil conducteur du tableau.

Ses connaissances en géométrie lui permettent de créer un espace logique construit selon les lois de la perspective. Un espace pictural qui dément la bi-dimension de la toile.

De Hooch traite la peinture d’architecture d’un point de vue topographique.

Dans Cour d’une maison à Delft, les personnages sont des figurants, ils ne sont pas le sujet.

De Hooch dessine d’abord sa perspective puis ajoute ses personnages.

L’ombre et la lumière rythment les différents espaces du tableau et participent au travail de composition.

Avec la lumière, P. de Hooch opère le transfert entre la réalité et le tableau.

La vraisemblance est impressionnante, son exécution méticuleuse et son adresse à dissimuler la trace du pinceau, attirent l’attention.
Le moelleux de la touche, les jeux subtils de la lumière, la délicatesse de la palette et le rendu des textures sous différents éclairages, donnent un rendu aux tableaux de P.de Hooch, qui dépasse en finesse les photographies les plus sensibles.

Cette prédilection pour l’illusion a été possible grâce à l’apparition de la peinture à l’huile au XVe. C’est Jan Van Eyck, vers 1460 qui, le premier fera usage de la peinture à l’huile. Ses tableaux lui doivent leur grande finesse.

Le réalisme des toiles de P.de Hooch s’il est lié à certains procédés imitatifs, dépend également du choix de ses thèmes, représentant des objets, des maisons, des rues agrémentés de personnages.

Dans Cour d’une maison à Delft la frontière entre l’espace réel et l’espace représenté est effacée avec la présence du balai qui fait sailli dans l’univers du spectateur.

Au contraire de Steen qui accentue l’atmosphère lubrique de ses représentations et caricature les intérieurs hollandais, P.de Hooch peint des atmosphères convenables.

Mais représente-t-il fidèlement le mode de vie hollandais ? les demeures étaient souvent poussiéreuses et bruyantes.

Quand Steen pervertit l’image pour distraire le spectateur, de Hooch peint des maisons idéales.

De nombreux tableaux hollandais oscillent entre une reconstitution fidèle de la réalité et une expression positive ou négative des idéaux sociaux.

 

Conclusion

On a souvent parlé d’École de Delft, mais d’école, il n’y en a jamais eu. Delft était un centre artistique dynamique où régnait une grande émulation entre les artistes. Ils partageaient un intérêt soutenu pour la science, l’optique et la perspective, et pour les effets de lumière et de couleur naturalistes. Ils considéraient la peinture comme une science destinée à tromper l’œil et à donner l’illusion parfaite de la réalité. Pour cela ils firent appel à différents instruments optiques, comme les boîtes à optique et les chambres noires, ainsi qu’à de nouvelles conventions de la perspective.

Si les sujets des peintures de la période 1650-1675 sont très divers, ils présentent une identité singulière :

La peinture du siècle d’or reflète la dualité de la mentalité hollandaise, partagée entre le plaisir et la règle morale, le matériel et le spirituel, le foyer et la rue.

Les tableaux de P. de Hooch représentant des intérieurs se singularisent en répandant vers le monde extérieur des ondes bienfaisantes de la paix domestique.

Comme dans l’art du clair-obscur, Hooch vise l’équilibre entre réalisme et poésie.

La mise en lumière de la lumière est le travail de sa vie de peintre.