Constantin présentant son diadème à saint Sylvestre – 1246 – Fresque romane

Fresque romane


Constantin présentant son diadème à saint Sylvestre

 1246
Fresque
Dim : L : 170 cm

Située à Rome, dans la chapelle privée de la résidence fortifiée du cardinal Stefano Conti, vicaire papal, neveu du pape Innocent III.

 

La fresque

Cette scène est chargée d’un puissant message politique.

L’histoire de saint Sylvestre (pontificat : 314-335), et Constantin (règne : 306-337) soutient la suprématie de l’Église sur l’Empire, durant la lutte contre l’empereur Frédéric II (1194-1250), alors roi de Sicile (qui comprend le sud de l’Italie).

La fresque représente le moment où l’empereur s’agenouille devant le pape et lui tend la tiare papale, signe de son statut d’héritier légitime de l’empire romain.

 

Composition

La composition est touffue.

Les personnages sont plats, composés d’une large marqueterie de tons unis, séparés par un trait régulier et foncé.
Les expressions faciales sont neutres et rigides.
Les visages sont de type byzantin, avec un ovale allongé, de grands yeux fixes et une bouche étroite sous un nez mince.

Les proportions ne sont pas respectées et les figures ont une taille proportionnelle à leur qualité spirituelle.

La profondeur est abolie. L’artiste annule l’espace derrière les personnages avec une alternance de bandes architecturales.

Les personnages et l’architecture sont assujettis à un plan unique.

Les personnages se déplacent dans le sens de la longueur.

L’espace est discontinue du fait de la pluralité des points de vue appliqués à la scène.

Le volume est suggéré : avec le trait des vêtements articulant les corps, avec le contraste des valeurs chromatiques, avec le relief accentué des frises de l’architecture.

L’artiste creuse ainsi l’espace et dans le même temps en limite les effets.

L’artiste utilise la couleur de manière très expressive.

Il se dégage de cette fresque une poésie graphique.

 

Analyse

 I-   Situation historique

Le Moyen Âge vit naître des œuvres somptueuses qui rehaussèrent à la fois l’image de l’Église et celle d’une laïcité puissante. Cette époque située entre l’Antiquité et la Renaissance (entre le Ve et le XIVe) se caractérise par de nombreux échanges d’influences culturelles.

À partir du XIe, émergèrent des caractéristiques communes depuis Byzance, en Orient, jusqu’à l’Espagne et au nord de l’Europe, en Occident.

Presque toutes les églises romanes d’Occident étaient ornées de fresques.
La peinture romane est essentiellement une peinture à fresque.

Les voûtes des églises romanes s’accordent à la technique des fresques.

La fresque est un ordre de l’esprit.
Elle s’inscrit dans un espace raisonné sur le meilleur équilibre.

Au contraire des enlumineurs de manuscrits, les peintres étaient rarement des moines mais plutôt des artistes itinérants.

La technique employée associe le plus souvent la fresque (les couleurs délayées à l’eau sont posées sur une enduit frais) et la détrempe (un enduit sec est humecté au moment de la pose des couleurs mélangées à un lait de chaux).

L’esquisse est réalisée sur du plâtre humide avec des pigments simples mélangés à de l’eau et de la chaux.

Une palette limitée -blanc, rouge, jaune, ocres et azur, crée un effet optimal, avec des couleurs denses et un cadre décoratif peu réaliste constitué de bandes, procédé utilisé dans l’art de l’Antiquité tardive pour distinguer le ciel de la terre.

Les peintres imitaient souvent des matières plus couteuses, comme le marbre ou la tapisserie, avec une iconographie puisée dans les arts ottonien et byzantin.

Les mosaïstes byzantins travaillant en Italie, soulignaient la ligne de contour, avec des expressions faciales assez rigides et neutres.
Ce style archaïsant considéré comme un retour aux sources artistiques du christianisme invoquait l’autorité des débuts de l’Église.


II-   D’un point de vue stylistique la peinture des fresques romanes se situe dans le prolongement des expériences artistiques du passé.

Elle est l’héritière directe de la peinture carolingienne, ottonienne ou mozarabe et par-delà, de la peinture chrétienne de la fin de l’antiquité.
Malgré des disparités régionales, le style et l’iconographie de la peinture romane frappent par leur uniformité.

Du milieu du Xe au début du XIIIe, les compositions monumentales et bidimensionnelles de la peinture romane étaient peu réalistes.

On remarque dans Constantin présentant son diadème à saint Sylvestre, le cheval en suspension, les contours épais, les formes linéaires et géométriques qui ressortent particulièrement dans le traitement décoratif des plis des vêtements, tandis que l’architecture reprise avec des variations subtiles souligne la symétrie et la frontalité de la composition.

La diffusion de ces caractéristiques en Europe et leur intégration dans d’autres techniques artistiques ont contribué à unifier l’art roman.
L’art roman plonge ses racines dans l’abstraction de la tradition nordique et dans l’esthétique antiquisante où prédominent le modelé et la plasticité des formes.
La pénétration de cette influence en Occident s’est effectuée en plusieurs vagues venues de l’Italie.

L’histoire stylistique de la peinture romane se détermine en fonction de la capacité des différents centres artistiques occidentaux à assimiler ces modèles byzantins ou, au contraire, à les refuser.

Les influences se répartissent selon les zones géographiques, en Italie l’influence est byzantine, dans le Saint-Empire romain germanique l’influence est ottonienne et en France, l’influence est carolingienne.

Dans le premier quart du XIIe, l’influence byzantine se répercute dans tous les pays d’Occident.

Le remarquable ensemble peint de la basilique Sant ’Angelo in Formis en Campanie, présente l’un des programmes les plus complets du Moyen Âge roman.
L’empreinte byzantine y est très présente.
Ce décor est attribué à Desiderius, le grand abbé du Mont-Cassin. Celui-ci s’est fait représenter en donateur aux pieds du Christ en majesté dans l’abside centrale, tenant la maquette de l’église et doté du nimbe carré des vivants.
L’exécution des fresques est datée entre 1072 et 1087.

Le haut roman du nord-est de l’Allemagne engendra un style spécifique (le style dentelé) avec des couleurs fortes, des décors volumineux, des drapés imposants aux plis répétés et une forme de zigzag caractéristique influencée par les mosaïques byzantines et siciliennes.
La Crucifixion –1190-1250 de la cathédrale Saint Georges de Limburg, en Allemagne illustre la grande maîtrise du dessin ottonien à la fois schématisé et expressif.

En France, l’abbatiale de Saint-Savin en Isère, possède un programme tout aussi exceptionnel, réalisé vers 1100.
La voûte en berceau de la nef sert de support à un cycle biblique composé de scènes empruntées à la Genèse et à l’Exode.
Ces fresques présentent un style caractéristique qui est resté à l’écart de l’influence italo-byzantine et qui s’est constitué à partir d l’héritage carolingien.
L’articulation marquée des corps, l’animation des draperies, les ventres proéminents et les pans de vêtements déployés en éventail en sont les caractéristiques.

Les décors peints de San Clemente près du village de Taüll, en Catalogne, sont une des créations majeures de la peinture catalane.
La fresque du Christ en majesté et tétramorphe -1123 qui ornait l’abside de l’église, se singularise par l’utilisation d’un fond artistique mozarabe ; la vivacité des coloris, la fermeté du trait, l’absence totale de plasticité et la morphologie particulière des visages en sont les caractéristiques les plus manifestes.
Le Christ Pantocrator entouré d’apôtres et de saints, tient dans sa main gauche un page de l’Évangile selon saint Jean indiquant : « Je suis la lumière du monde »


III-   Le message des fresques

La figuration romane repose sur un système de codes et sur une série de conventions plastiques où les images schématisées à l’extrême, sont réduites à l’état de signe.

Le christianisme a décidé très tôt du rôle didactique de l’image.
L’image peinte est investie d’une valeur hautement spirituelle.
À la fois support d’une contemplation et instrument d’enseignement et d’édification, les images sont conçues pour diffuser les textes sacrés et en exposer le sens moral.

Les fresques enseignaient les mystères de la religion, elles menaient les fidèles vers Dieu en énonçant les bienfaits du christianisme et leur offraient des exemples de moralité dans la représentation des saints.

Elles exprimaient également un point de vue partial sur l’autorité des papes et des empereurs et sur les questions politiques et religieuses de l’époque.

Dans la culture médiévale le lien entre l’image et le texte est indéfectible.

Les thèmes sont généralement en accord avec la destination du lieu qu’ils décorent.

Focillon – Moyen Âge Roman et Gothique :
« Une cathédrale est un univers pensé » 

 

Conclusion

De nos jours les artistes disposent à la fois, de la liberté d’expression et de la diversité des médias, tandis que les artistes du Moyen Âge étaient entravés par leur mécènes et par les conventions.

Le plus puissant et le plus influent de ces commanditaires fut l’Église.

Les rois et les nobles avaient eux-mêmes conscience de l’importance et de la force de la religion.

Les œuvres destinées au clergé constituaient les principaux vecteurs d’expression de la créativité artistique.

Le Moyen Âge d’un point de vue artistique est un passeur.

Extrait de la conclusion du précieux livre de Focillon, intitulé Moyen Âge Roman et Gothique –1938 :

« …Le baroque de Bernin rejoint le baroque gothique, et c’est au cadre d’un tympan, c’est à une structure en pierre du XIIe que semblent s’adapter les déformations et les contournements de Greco. Chez les maîtres des Pays-Bas, il n’y a pas seulement analogie ou réveil, mais continuité. Le paysage fantastique s’y développe comme la dernière grande rêverie du moyen-âge, avec les rocailles démesurées, les tours de Babel, la figure diabolique de l’objet, un humour de kermesse et l’obsession des sept péchés capitaux mêlée au sentiment d’une catastrophe universelle. Breughel en donne l’image la plus complète et la plus étrange, et les figures dont il peuple, avec l’autorité de la grande forme, ont néanmoins l’air de sortir pêle-mêle du Psautier d’Utrecht, du calendrier des Très riches heures ou de certaines pages des Heures de Rohan. Enfin, dans ce comté de Hollande, qui donna jadis Claus Sluter et Dirk Bouts, le rêve mystérieux de van Eyck se prolonge dans la petite rue de Vermeer et dans le recueillement des intimistes.
Ainsi les affinités des milieux et des talents maintiennent, chaudes et profondes, la vitalité du moyen âge.
Il n’a pas disparu, il n’a pas été effacé.
On dirait que l’Occident en garde une nostalgie. »