Checkered House -1943 Grand-maman Moses

Anna Mary Robertson Moses (1860-1961)

 

Checkered House

1943

Huile sur toile

Dim 91 x 114 cm

Collection particulière

 

La peintre

Anna Mary Robertson Moses a grandi dans une ferme.
De 12 à 27 ans elle travaille en faisant des ménages dans les fermes.
Elle se marie à 27 ans avec un fermier.
Elle travaille à la ferme, élève ses nombreux enfants puis, devient brodeuse.

Anna Mary Robertson Moses, surnommée Grand-maman Moses, est une peintre autodidacte sans formation artistique qui commença à peindre à l’âge de 70 ans, après avoir abandonné sa carrière de brodeuse en raison d’une arthrite.

C’est une « artiste naïve ».

Son œuvre est consacrée à des sujets précis et personnels et peinte dans un style simple.

Grand-maman Moses est une artiste populaire américaine renommée.

Louis Caldor, un collectionneur par passion, a découvert deux des peintures de Grand-maman Moses en 1938 dans une pharmacie de campagne au milieu de tapis crochetés, de gelées de confiture et de napperons au crochet qu’elle avait fabriqués. Caldor achète toutes les peintures de Grand-maman Moses.
Impressionné par son interprétation primitiviste de la vie rurale, il a aidé l’artiste âgée de 80 ans à organiser sa première exposition. Son travail a été exposé au MoMA à New-York ainsi que dans diverses expositions d’art.
En 1939, les tableaux de Grand-Maman Moses se vendaient bien en Amérique du Nord et en Europe.

Puis le galeriste et historien d’art Otto Kallir, dans les années 1940, pris le relais pour promouvoir cette artiste amateure.
1940 est aussi l’année où certaines de ses scènes sont reproduites sur des cartes postales, ce qui a élargi son public.
En 1949, elle remporte le Women’s National Press Club Award en tant qu’artiste-peintre.

Grand-maman Moses a crée plus de 1000 toiles, elle peignait presque tous les jours.

Sa petite-fille, Jane Kallir fondera en 2017 le Kallir Research Institute qui, en marge des œuvres de Richard Gerstl et surtout Egon Schiele, poursuit la promotion de celles de Grand-maman Moses.

En novembre 2006, Sugaring off -1943 est devenu le tableau de l’artiste ayant atteint la plus haute cote, à 1,2 millions de dollars.

 

Le tableau

La Checkered House était une légende locale.
Située le long de Cambridge Turnpike, Checkered House était une auberge du XVIIIe où les cochers de diligence changeaient leurs chevaux. Elle brûla en 1907 mais demeura dans le souvenir des habitants des environs, sans doute en raison de son apparence singulière, ou bien parce qu’elle fut convertie en hôpital de campagne durant la guerre d’indépendance américaine et servit de quartier général au général Baum.

Sa façade en damier a fait de la maison un repère distinctif dont le souvenir persistera après son incendie.

En 1943, elle faisait partie de l’histoire Locale et Grand-maman Moses la représenta de mémoire.

Elle peignit la maison en différentes saisons.
Moses a peint plus de vingt tableaux sur ce sujet.

La famille Long qui possédait la maison et l’exploitait, reçut  le célèbre révolutionnaire français, le général Lafayette.

Moses se souvenait aussi probablement que des courses de chevaux avaient lieu sur la route aménagée et à péage qui passait devant la maison.

Lorsqu’on lui demanda comment elle réussissait à faire une nouvelle composition à chaque version, Moses répondit qu’elle imaginait la scène comme si elle la regardait à travers une fenêtre. En déplaçant légèrement son point de vue, elle pouvait faire en sorte que les éléments se mettent en place différemment.


Composition

C’est un tableau rural simple

Moses représente une maison à damiers rouges et blancs.

Le tableau fourmille d’activités disparates, disposées dans un paysage d’une étendue surnaturelle.
Cette ouverture du paysage en une multitude de détails s’inscrivant dans un carré évoquant une courte-pointe est une caractéristique du « style » de Grand-maman Moses.

 Moses ne se soucie ni de la perspective, ni des proportions.

C’est une composition narrative qui met en scène un relais de chevaux.

Devant la maison des hommes en uniformes militaires bleus et une route aménagée, encombrée de chevaux attelés à, une diligence, deux sulkies, une cariole ; puis un cavalier et des chevaux en liberté.
Au second plan, l’auberge avec sa façade en damiers, au centre les écuries et à gauche une remise.
La moitié supérieure de la toile ouvre le paysage sur un champ cultivé, des collines et des fermes.
Le tout est borné par une chaîne de montagne surmontée d’un ciel nuageux.

La nature envahit toute la toile, d’abord des rangées d’arbres, puis des champs à perte de vue.

 

Analyse

 I-   L’Art hors de écoles d’art.

 Nombres de peintres majeurs furent inspirés par les artistes naïfs.
Henri Rousseau douanier aux portes de Paris était populaire au sein de l’avant-garde de la capitale ; Picasso tint un banquet en son honneur en 1908 et Apollinaire écrivit son épitaphe.
Alfred Wallis était un pêcheur de Cornouailles dont des artistes comme Ben Nicholson et Barbara Hepworth louèrent le côté autodidacte.
Lawrence Stephen Lowry en revanche, avait étudié les beaux-arts à Manchester et Salford. Il connaissait le travail des impressionnistes mais cultiva volontairement une certaine naïveté, dans des œuvres peuplées de personnages filiformes et évoquant les paysages industriels du nord de l’Angleterre.

En 1945, « L’art brut » initié par Jean Dubuffet, rejette les conventions et les notions de formation, d’élaboration et de finition et produit des œuvres « ne devant rien à l’imitation des œuvres d’art qu’on peut voir dans les musées, salons et galeries ».
La compagnie de l’art brut de Dubuffet rassembla des tableaux d’artistes autodidactes et hors des courants majeurs, un art « sans masque et sans contrainte ».
Pour Dubuffet l’art brut n’a pas d’histoire, il est personnel et propre à chaque artiste.

La même année se forme un autre groupe, le groupe COBRA.
COBRA est un acronyme à partir des noms Copenhague, Bruxelles et Amsterdam, les villes des fondateurs.
Le style de COBRA était volontairement expérimental, l’exécution grossière est souvent empreinte d’une dimension fantastique et mythologique.
Par leur utilisation de supports variés et leur rejet des pratiques académiques, les artistes de COBRA s’élevèrent contre les contraintes d’une formation artistique et prônèrent l’idée d’un art accessible à tous.

Si l’art brut perpétuait les préoccupations du surréalisme, COBRA remettait ouvertement ce mouvement en cause.

Les tableaux de Grand-maman Moses ne s’inscrivent dans aucun des mouvements qui forgèrent l’art naïf.

L’artiste américaine a commencé à peindre à l’âge de 70 ans, sa formation est celle d’une brodeuse.

Par sa représentation simplifiée du paysage de la Nouvelle-Angleterre, Checkered House rappelle les traditions artisanales américaines telles que la broderie et le patchwork.

Certains aspects de la composition sont réduits à des motifs, notamment les meules dans le champ, dont le damier fait écho à celui de la maison.

Cette vieille maison avec sa façade à damiers datant de 1860, représentée en 1943 par Moses, est un exemple classique du sujet entièrement américain de l’artiste.
Grand-maman Moses a peint la même maison en hiver et en été.

Grand-maman Moses a réalisé son premier tableau à l’âge de 76 ans.
L’arthrite l’empêchant de manier l’aiguille de brodeuse, elle prit le pinceau.
Grand-maman Moses n’a jamais utilisé de chevalet, ni d’atelier.
Elle travaillait sur une vieille table dans sa cuisine.

Elle vend ses premiers tableaux aux foires locales avec ses confitures-maison.


II-   Le style de Moses

Ses toiles mettent en scène la nature heureuse, des paysages paisibles et des travaux agricoles tels que la fenaison.

Son style dépeint des ambiances agréables avec des personnages souriant en travaillant.

Dans ses tableaux elle omet volontairement les poteaux téléphoniques, les tracteurs et tous les éléments produits par l’industrialisation.

Moses a vécu et travaillé à la ferme toute sa vie, une vie dure.
Moses idéalise ses souvenirs, elle peint des tableaux romantiques.

Ses paysages bucoliques avec ses fermes, ses collines et ses petites figures évoquent un monde qui existait principalement dans son imagination.

Son instinct et sa sensibilité prêtent à ses peintures un charme nostalgique qui les a rendues immensément populaires.

Grand-maman Moses ne fit jamais de portrait, peignant un seul sujet, la nature et ses saisons avec une prédilection pour la neige.

Elle travaillait de mémoire, restituant sous diverse formes météorologiques les collines du Vermont toujours peuplées d’un petit monde anecdotique évoquant la vie quotidienne et rurale.

Son dessin est extrêmement simple, maladroit et schématique, sa perspective est arbitraire et ses compositions foisonnantes au réalisme rustique, souvent compliquées avec une profusion des détails ne témoignent d’aucune recherche particulière.
En revanche, la suggestion de l’espace est, elle, toute picturale.

Grand-maman Moses est experte dans l’utilisation de la couleur.
Ses couleurs chantent, elles éclatent l’espace de ses toiles et inondent ses paysages de joie.
Il n’y a pas d’ombre dans les tableaux de Moses.
Cette particularité vient peut-être de son expérience de brodeuse, sûrement de son instinct et de la candeur de son observation.

Son style est vif, d’une grande fraîcheur, presque enfantin et n’appartient qu’à elle.

Ce mélange subtil de science innée et de spontanéité maladroite fait de la peinture de Grand-maman Moses une peinture authentique s’accordant au style naïf.

Ses tableaux les plus célèbres sont: Over the River to Grandma’s house –1947,Catching the Turkey –1940, et The Old Oaken Bucket –1946, 1943, 1940.

 

Conclusion

Moses a réussi à capter l’attention, l’admiration des collectionneurs d’art du monde entier.

L’œuvre de Moses avec ses paysages lumineux et joyeux a donné de l’espoir en l’avenir au public traumatisé par la seconde guerre mondiale.

Elle est devenue si populaire que, pour célébrer son centième anniversaire, le gouverneur de New-York, Nelson Rockefeller a déclaré le 7 septembre 1960, sous le nom de « Grandma Moses Day ».

Au cours de sa carrière de peintre, Grand-maman Moses a créé environ 1500 œuvres.

Ses peintures sont toujours populaires et offrent un aperçu du passé pastoral de l’Amérique.

Le président John F. Kennedy -cf. le rapport d’Associated Press, s’est souvenu de Moses comme d’une figure bien-aimée de la vie américaine et a déclaré « la vivacité de ses peintures a redonné une fraîcheur primitive à notre perception de la scène américaine ».

Moses commente :  « Tout le monde peut peindre. Tout ce que vous avez à faire est de représenter une peinture dans votre esprit, puis de la transférer sur la toile avec les pinceaux. » !