Guess Art
Le regard sur la trace de la lumière suit le désir du peintre, jusqu’à l’âme du tableau
Chaque semaine je propose un tableau :
Les quatre premiers jours de la semaine je poste des détails du tableau, le vendredi le tableau et le samedi un commentaire sur le tableau.
Le dimanche je poste un ou plusieurs tableaux en rapport avec le tableau de la semaine.
Le concept : trouver le tableau le plus tôt possible dans la semaine.
Si vous trouvez le tableau dès le lundi, vous êtes très fort.
Bravo !
Pour ceux qui cherchent, je donne un indice, en milieu de semaine, sur mes comptes Instagram et Facebook qui portent le même nom que le blog : lumieresdesetoiles
Attention : au pluriel et sans accent...
Bon voyage dans les lumières des étoiles !
Each week there will be a painting that is revealed detail-by-detail :
The first four days of the week, I'll be posting fine details of the painting which will ultimately be revealed on Friday;
On Saturday, I'll be posting a commentary on the work of the week.
Finally, on Sunday, I'll be posting a couple of related works to frame the context, history, or style of the painting of the week.
The challenge: to identify the painting in the shortest time possible.
If you've met the challenge by Monday, you are indeed quite the connoisseur!
Bravo !
For those interested in the challenge, I give an additional hit in the middle of the week on my Facebook and Instagram accounts, which go by the same name as the blog: lumieresdesetoiles.
Jeanne- Antoinette Lenormant d’Étiolles, marquise de Pompadour -Q. de La Tour
Maurice Quentin de La Tour (1704-1788)
Jeanne-Antoinette Lenormant d’Étiolles, marquise de Pompadour (1721-1764)
1752 à 1755
Dim. 175 x 128 cm
Pastel et rehauts de gouache sur un assemblage de huit feuilles de papier bleu collées à joints couvrants sur lequel ont été collées deux autres feuilles aux contours irréguliers et amincis pour le visage et la main droite.
Conservé au Louvre
Cartel du Louvre
Le plus célèbre pastel de La Tour est entré dans les collections du Louvre en 1803. Il était à l’origine légèrement plus grand et compta parmi les œuvres les plus ambitieuses du maître. Peint entre 1752 et 1755, année de sa présentation au Salon, il fit l’objet d’un soin tout particulier de la part de l’artiste qui peignit le visage certainement en présence du modèle sur une pièce de papier qui fut intégrée dans la composition avant qu’elle ne soit chargée en couleurs.
La marquise de Pompadour
Jeanne-Antoinette Poisson (1721-1764) reçoit une éducation artistique. Très tôt elle se distingue par un esprit fin et intelligent et, elle est jolie. Elle épouse Charles-Guillaume Le Normant d’Etiolles. Le roi vient fréquemment chasser dans la forêt de Sénart où se trouve le domaine d’Etiolles. Remarquée par le roi, Jeanne-Antoinette rompt son mariage, est anoblie et devient la maîtresse du Roi en titre en 1745. Le souverain lui accorde le titre de marquise de Pompadour et une importante rente qui lui permettra d’acquérir plusieurs châteaux dont le Palais de l’Élysée.
Quand madame de Pompadour s’adresse à De La Tour, il est déjà un peintre renommé. Elle lui demande un portrait où elle paraitrait aux yeux de la postérité en protectrice des Arts et des Lettres.
Description
Une jeune-femme est représentée dans un cabinet. Elle se tient droite au centre du tableau. Elle est assise dans un fauteuil à dos plat comme sur un trône. Elle est vêtue d’une magnifique robe à la française qui se déploie en un élégant drapé laissant voir deux petits souliers raffinés. Elle ne porte pas de bijoux. Elle est entourée d’objets d’art et de livres : une guitare est posée sur fauteuil placé derrière le sien, un carton à dessin se tient droit à ses pieds fermé par des lacets. Le modèle tient une partition de musique dans ses mains, son coude gauche repose sur la console où sont alignés des livres (dont on peut lire les titres) et un globe terrestre. La jeune-femme a le visage détourné vers la droite, comme surprise dans sa lecture.
Son visage au teint clair illumine de son élégance toute la composition
Au- dessus des livres, accroché sur le mur du fond, un grand miroir au cadre doré.
Composition
C’est un pastel de grande dimension. Il témoigne de l’habileté de Quentin De La Tour
Commandé en 1748, le portrait est achevé en 1755.
Seul le visage a été saisi au pastel d’après nature sous forme de trois esquisses préparatoires. Le reste de la toile est une composition en atelier.
C’est une composition fluide où l’espace est organisé.
C’est une composition équilibrée avec un motif central et pyramidal.
L’axe de la pyramide passe par l’œil gauche et son socle est le tapis en trompe-l’œil au premier plan. L’axe médian passe également par l’œil gauche du modèle et le pli central de son plastron.
Les motifs du tapis ainsi que la pochette à dessin sur la droite du tableau au premier plan donnent de la profondeur au pastel.
le tableau se lit de gauche à droite. Une courbe s’amorce à l’arrière-plan avec le pli de la tenture et suit la position du bras gauche du modèle.
Le regard glisse sur la partie droite du tableau, vers les livres.
À l’arrière-plan à droite du tableau, un grand miroir reflète un paysage imaginaire d’inspiration flamande et, donne de la profondeur à la scène.
De La Tour soigne les détails, les courbes des fauteuils et les plis de la tenture, la patine des motifs décoratifs de la table et la robe.
Le peintre a choisi une robe à la mode chez les aristocrates, dite à la française. Elle est constituée d’un plastron au décolleté carré garni de nœuds, d’une jupe large portée sur des paniers et, d’une traine.
De La Tour a travaillé l’effet du tissu de soie, ses plis, ses motifs tissés en relief.
Le peintre possède une grande maîtrise du pastel pour faire ressortir le feuillage doré, les rameaux bleus et les petites fleurs roses.
En alliant les nuances de bleu, d’ocre et d’or, il choisit des couleurs sobres qui témoignent de l’élégance recherchée pour cette œuvre.
Tandis que l’absence de bijou et la simplicité de la coiffure renforce le caractère intimiste de cette œuvre.
Les dorures des meubles, des livres et de la robe s’harmonisent avec le bleu profond du papier.
La source de lumière met en valeur les éléments plus clairs de la composition, le visage du modèle, sa robe et le piètement de la table.
Analyse
Le choix des livres de la marquise est un véritable manifeste.
Il montre l’ouverture d’esprit de madame de Pompadour et son attention à l’évolution politique.
Avec une part de provocation dans le choix des titres représentés :
Pastor Fido (Le berger fidèle), tragi-comédie de Giovanni Battista Guarini (1538-1612),
La Henriade, poème de Voltaire (1694-1778) à la gloire d’Henri IV et de la tolérance,
De l’esprit des lois, essai de philosophie politique de Montesquieu (1689-1755) et
le tome IV de L’Encyclopédie de Diderot (1713-1784) et D’Alembert (1717-1783), ouvrage interdit de publication en 1752.
La marquise, ancienne maîtresse du roi, se présente en alliée des philosophes des Lumières.
Elle veut léguer une image d’elle-même plus proche de ce qu’elle était devenue à l’âge de réalisation du portrait, même si ses choix déplaisent à Louis XV qui reste son ami.
Au début de l’année 1756 elle a été nommée dame surnuméraire du Palais de la Reine. Elle joue un rôle de renversement des alliances et le rapprochement diplomatique avec l’Autriche.
Ce portrait de la marquise réalisé à un moment décisif de sa vie, témoigne de son ascension sociale.
Le peintre propose de son modèle une image de raffinement et de culture. Il montre sa connivence avec l’élite intellectuelle de son siècle qui la distingue des courtisanes ordinaires. C’est le portrait d’une jeune-femme qui a reçu une éducation soignée et s’intéresse à la vie culturelle.
Auprès du Roi elle défend les philosophes Voltaire puis Diderot et d’Alembert dont les premiers volumes de l’Encyclopédie avaient été interdits.
Madame de Pompadour n’a pas demandé à De la Tour un portrait officiel représentant le prestige, le pouvoir et la richesse.
Elle a voulu donner une image de personne cultivée, dans son cadre domestique sans bijoux mais, entourée d’objets parlant de ses centres d’intérêts. Outre le théâtre et la philosophie, avec le carton à dessin posé à ses pieds la marquise montre qu’elle s’intéresse à la peinture. Avec la partition de musique qu’elle tient dans ses mains et la guitare posée sur le fauteuil elle montre son intérêt pour la musique.
Conclusion
La femme cultivée et sensible à l’esprit ouvert, remplace l’épouse obéissante et pieuse emblématique du portrait féminin jusqu’au XVIIIe.
Ce portrait marque une étape.
Dans le courant du XVIIIe, François Boucher avait déporté le portrait féminin vers la légèreté. Quentin De La Tour avec la complicité de son modèle donne de la femme une image novatrice en alliant beauté et intelligence.
Léonard de Vinci disait qu’un peintre devait représenter le visible et l’invisible. Le portrait de De la tour répond à ce précepte. Il représente ici la femme d’esprit, érudite, mécène, fervente protectrice des arts, artiste et conseillère du roi.
De La Tour : « Ils croient que je ne saisis que les traits de leur visage, mais je descends au fond d’eux-mêmes à leur insu et le remporte tout entier ».
De La Tour nous livre une image réussie affirmant publiquement la puissance du modèle à travers son ascension par la conquête du cœur du roi, jusqu’à son presque règne comme marquise de Pompadour
Il s’agit de nuancer la conception évolutionniste du XVIIIe siècle qui oppose l’époque de Boucher à celle d’un David ou d’un Vien en affirmant que la première moitié du XVIIIe siècle était celle des mœurs et d’un art libertin tandis, que la seconde moitié, préconisait davantage la rigueur et la morale.
Ce portrait témoigne de cette réalité, la marquise de Pompadour est représentée comme un ardent défenseur du projet encyclopédique, contre la censure alors même qu’il s’agissait d’un projet qui consacrait de nouveaux idéaux et de manière plus générale la philosophie des Lumières. Madame de Pompadour, destinatrice du château de Bellevue se fait représenter ici dans un intérieur rocaille dans lequel, elle est parallèlement figurée comme défenseur du projet encyclopédique.
Ce portrait spectaculaire par ses dimensions et par la virtuosité technique avec laquelle il a été réalisé, est un chef-d’œuvre. Acquis par le Louvre depuis 1838, cette œuvre est la seule sur papier à être constamment exposée au département des arts graphiques, bien que l’œuvre soit très fragile et notamment la poudre de pastel qui ne lui autorise aucun mouvement et aucune vibration.
le tableau – Marquise de Pompadour – 1752 – Q. de La Tour
Peinture -Q. de La Tour
Raffinement -Q. de La Tour
Littérature -Q. de La Tour
Musique -Q de La Tour
Souvenirs de Mortefontaine -Corot
Camille Corot (1796-1875)
Souvenirs de Mortefontaine
1864
Huile sur toile
Dim 65 X 69 cm
Conservé au Louvre
Camille Corot
1796 Naissance à Paris
1807-12 Études à Rouen
1822 Études artistiques dans l’atelier du peintre paysagiste A.E. Michallon qui lui inculque les principes du néoclassicisme puis, dans l’atelier de J.V. Bertin où il peint des compositions néo-classiques et des paysages historiques.
1827 Sur l’incitation de Bertin, travaille en plein-air en Normandie et à Fontainebleau.
Est l’un des premiers à travailler à Barbizon.
Commence à exposer ses paysages dans les Salons
1825-28 Voyage en Italie : Rome, Naples et Venise
1834 Retour en Italie : Toscane et Venise
1835 Expose Agar dans le désert. Le tableau est reçu favorablement.
Se rend souvent en Normandie, peint en alternant thèmes religieux et mythologiques et voyage sans relâche jusqu’en 1850.
1850 Atteint une grande notoriété
1862-63 Séjourne à Saintes et participe avec d’autres peintres dont Courbet à un atelier de plein-air dénommé « le groupe du Port Berteau »
1867 Promu officier de la légion d’honneur
1871 Vend très bien ses toiles et fait preuve d’une grande générosité
1875 Meurt d’un cancer de l’estomac.
Corot est enterré au cimetière du Père Lachaise
Introduction
Dans les dernières années de sa vie, Corot s’oriente vers une peinture de la perception, il privilégie l’étude de la lumière et de ses reflets dans l’eau. Il abandonne les contraintes géométriques et les compositions rigoureuses des néo-classiques.
Souvenirs de Mortefontainea été présenté pour la 1erfois au salon de 1864.
Napoléon III l’acquit à l’issue de cette exposition pour le château de Fontainebleau.
Description
Le tableau représente un paysage de bord d’étang.
Des feuillus sur la droite occupent les 2/3 du tableau. Ils font écran.
La perspective sur le lac se dégage sur la partie gauche de la toile.
Au premier plan une jeune-femme accompagnée de deux enfants sont représentés autour d’un arbre.
Une petite fille est penchée vers le sol, une deuxième a un bras levé en direction de la jeune-femme. Les enfants sont à gauche du tronc, la jeune -femme, à droite du tronc, a les bras levés, elle cueille des fruits sur l’arbre.
Il s’agit donc d’un arbre fruitier, il a poussé droit et haut.
Il délimite cette deuxième partie sur la gauche du tableau.
Son branchage incliné au faîte de l’arbre, dans le même sens (vers la gauche du tableau) que les branchages des feuillus indique la marque du vent.
Un buisson ferme la composition à gauche du tableau.
La forêt se reflète sur les eaux calmes qui miroitent les couleurs du ciel.
La scène se passe dans la brume du petit matin.
Composition
La composition est simple et rigoureuse.
La toile se découpe en trois frises et deux parties
Les frises :
Le premier plan, un sol recouvert d’herbe est planté d’arbres et de buissons
Le deuxième plan, l’étang s’étire sur toute la largeur de la toile
Le troisième plan, le ciel fait écho à l’étang et couvre la moitié supérieure du tableau
La moitié inférieure est occupée pour 1/3 par le premier plan et 2/3 par l’étang
Les parties :
L’une est donnée par les feuillus dont le feuillage très dense occupe les 2/3 de la droite du tableau.
L’autre, donnée par l’arbre fruitier occupe le 1/3 restant à gauche du tableau.
L’arbre fruitier structure l’espace par sa verticalité.
Le choix de cette asymétrie fait référence aux compositions de Claude Lorrain comme sa composition du Paysage avec Pâris et Oenone, dit le gué(1848)
La perspective sur l’horizon est figurée par l’ombre des feuillus projetée sur l’eau.
Les couleurs sont sobres et réduites avec le bleu pâle du ciel et de l’eau et les verts et marrons de la végétation.
L’accord des tonalités argentées exprime une retenue chromatique qui résonne avec le principe du souvenir.
Dans le même désir, la lumière filtrée par l’épais feuillage des arbres du premier plan génère une ambiance vaporeuse propice aux souvenirs
Des rayons de soleil se faufilent à travers le feuillage formant des éclats de lumière par petites touches.
Cette lumière du matin projette sur l’étang une ombre immense qui dévore les 2/3 du tableau.
La touche légère et tremblée fait référence aux premiers travaux photographiques.
Le procédé du daguerréotype nécessitait un long temps de pose qui donnait à l’épreuve tirée un rendu « bougé ».
Analyse
Le parc de Mortefontaine est dans le département de l’Oise, près de Senlis, en lisière de la forêt d’Ermenonville. On y trouve plusieurs étangs dans un site vallonné apprécié des artistes.
Au XVIIIe Watteau s’en inspira pour son tableau Pèlerinage à Cythère
Au début du XIXe Jean-Joseph Bidaud peignit un paysage néo-classique
Le Parc à Mortefontaine
Corot avec Souvenirs de Mortefontaine réalisé en 1864 leur emboîte le pas.
Ce tableau est l’aboutissement de ses recherches.
Corot ne cherche pas à décrire un paysage, il fait une synthèse picturale des sons de la lumière et des images. Il condense tous ses souvenirs du parc en un seul tableau.
Cette œuvre dégage une grande sensibilité
Comme les néo-classiques qui l’ont formé, Corot peint en atelier à partir de dessins pris sur le vif.
Son désir est de transmettre au spectateur les sensations qu’il éprouve dans ce parc immergé dans la nature.
Ce sera la démarche des Impressionnistes dont il se détache par son refus du réalisme pur.
Ainsi Monet multipliera les représentations du motif avec différentes lumières, alors que Corot rassemble toutes ses lumières, toutes ses impressions dans un seul tableau.
Monet et les Impressionnistes analysent, Corot synthétise.
Conclusion
C’est une œuvre de la maturité, un paysage plein de poésie
Corot a pris ses distances avec la tradition néoclassique dont il est issu.
Dans ce tableau les personnages sont en harmonie avec l’environnement.
Corot s’inspire de la vie réelle en peignant ses personnages dans une veine naturaliste.
Il privilégie le réalisme, en offrant une magnifique étude de lumière au second plan.
Corot fixe des instants, mais ne raconte pas d’histoire.
Lors de son exposition au salon de 1864 Souvenirs de Mortefontaine est remarqué par le poète, Théophile Gautier et le critique d’art et historien, Théophile Thoré-Bürger.
Souvenirs de Mortefontaine
Avec son ambiance brumeuse et poétique, imprégnée de la nostalgie des souvenirs est un chef d’œuvre.