Scènes de procession de l’Ara Pacis – 13-9 av. J.C.

Cette frise est conservée au Musée du Louvre

Cette frise sur le côté sud du monument, montre des membres de la famille royale, dont des femmes et des enfants, dans une procession religieuse associée à la dédicace de l’autel.

Situé à l’origine le long de la voie Flaminia, aujourd’hui via Del Corso, cet autel est abrité dans un musée situé entre le Tibre et le mausolée d’Auguste.

Cet autel sacrificiel est dédié au culte de la Pax Augusta.

Offert par le sénat romain en l’honneur de la campagne victorieuse d’Auguste pour écraser la résistance en Espagne et en  Gaule, l’Ara Pacis (autel de la paix) à Rome célébrait les triomphes militaires et la piété religieuse de l’empereur.

Le style est fréquemment comparé à celui du Parthénon d’ Athènes et il démontre la fascination d’Auguste pour les formes du Ve grec av. J.C., également visible dans l’Auguste de Prima Porta.

Mosaïque nilotique – Fin du IIe av. J.C. Mosaïque romaine

Mosaïque nilotique 

Fin du IIe av. J.C.

Dim 656 x 525 cm

Conservée au musée archéologique national de Palestrina, dans le Palazzo Barberini.

 

 

La mosaïque 

Ce pavement de grande dimension représente un paysage extraordinaire composé de divers tableaux de la vie au bord du Nil avec ses animaux, ses personnages et ses constructions.

Cette mosaïque représente la vie sur le Nil pendant la crue.
Ça et là pointent des fleurs de lotus, des roseaux, des palmiers.
Les terres immergées accueillent chacune un bestiaire fantastique.

La partie supérieure de la mosaïque offre une vue d’ensemble de l’Éthiopie nilotique, qui est peuplée pour l’essentiel d’animaux sauvages.
Cette  scène du registre supérieur est très vivante, des hommes petits à la peau foncée chassent à l’arc des lions, léopards, girafes, panthères, antilopes.  Les animaux sont insérés dans un vaste paysage de rochers baignés par les eaux du Nil. Les félins sont des guépards, il ya des dromadaires, des ours, des girafes, des rhinocéros, des paons, des hippopotames, des éléphants, des rhinocéros, des babouins, des ânes, des cigognes et des singes.
Toute la faune africaine est représentée de manière fantastique, mais naturaliste. Les animaux sont reconnaissables.
La mosaïque de Palestrina présente un nombre impressionnant d’espèces. 

La représentation de cette faune aussi nombreuse que variée fait l’originalité de la mosaïque.

Au niveau médian, sont représentés,  un nilométre (escaliers d’un puits creusé à proximité du Nil servant à mesurer le niveau du fleuve grâce à des repères gravés sur ses parois) et divers petits temples et autres édifices, dont un grand temple égyptien et son pylône creusé de quatre statues d’Osiris.

La partie inférieure est occupée par une évocation détaillée de l’Égypte au moment de la crue. Une procession avec le sarcophage d’Osiris est en train de traverser le propylée  donnant accès au bosquet funéraire du dieu qui se trouve à Canopus près d’Alexandrie.
Il y a une fête au temple.  Un vélum a été tendu, des guirlandes accrochées et des musiciens jouent.
Le toit du temple est très précisément représenté avec ses tuiles, ses acrotères…
Le regardeur voit aussi des éléments d’architecture; une cabane s’élève au milieu des flots. Dans un temple,  un culte oriental est en train de se dérouler.
Sur le fleuve, il y a des embarcations à voiles ou à rames, des barques plates à baldaquins, des canots rapides construits en joncs du Nil.
Sont représentés des jardins, avec des pergolas généreuses d’où pendent d’énormes et succulentes grappes de raisin à l’ombre de laquelle se déroulent de joyeux banquets.

Lourdement restaurée, par l’artiste Giovanni Battista Calandra qui dirigeait l’atelier qui travaillait aux mosaïques de Saint-Pierre, la mosaïque nilotique recouvrait à l’origine le sol d’une grotte artificielle de Praeneste (aujourd’hui Palestrina) au sud-ouest de Rome.
Elle montre un grand intérêt pour les confins du monde antique.
De nombreuses vignettes étaient insérées dans le paysage, allant de la chasse aux cérémonies religieuses à la vie des champs.
Une grande importance est également donnée aux animaux exotiques, dont la plupart sont nommés en grec.

Cette mosaïque est un chef d’œuvre de l’antiquité. 

Cette vaste scène évoque l’exotisme et la fertilité des terres arrosées par le Nil.

La mosaïque décorait le sol d’un nymphée aménagé dans l’abside d’un édifice situé au Nord du forum de Praeneste.
C’est le cardinal Andrea Peretti, évêque de Praeneste, qui demanda le retrait de  l’emplacement original de la mosaïque qui fut découpée en panneaux et transportée à Rome et offerte au cardinal Magalotti qui en fit don à son neveu, le cardinal Francesco Barberini, à l’exception d’un panneau, celui de la pergola, qu’il donna au Grand Duc de Toscane.
Dix ans plus tard, en 1460, la mosaïque restaurée fut ramenée de Rome à Palestrina où Giovanni Battista Calandra fut chargé de la réinstaller dans une salle du nouveau Palazzo Barberini.
Cette mosaïque répond à une conception et un projet unitaire, où l’ensemble des scènes et des détails se fondent et s’articulent en un tout organiquement cohérent.

La mosaïque de Palestrina offre une vue panoramique du cours du Nil à l’époque de l’inondation.
Cette identification donne un point de repère géographique important pour placer les autres sites de la mosaïque. L’espace géographique que l’artiste avait en tête  s’étendait des sources du Nil jusqu’à la côte méditerranéenne, de l’Éthiopie – pays sauvage et semi-myhtique – aux lacs et marais du nord du Delta où se jetaient les eaux du grand fleuve.

Le nilométre représenté sur la mosaïque est celui de Memphis. L’eau qui miroite sous la margelle indique que la crue était excellente. Elle  contribue à créer une atmosphère de fête et de prospérité qui se répercute sur l’ensemble de l’œuvre.

La mosaïque est dominée par la présence du fleuve, depuis les paysages rocheux d’Éthiopie, où l’on situait les sources  connues du grand fleuve, jusqu’aux terres inondées de la Vallée et du Delta du Nil.
Ce paysage rocheux est peuplé d’animaux exotiques inquiétants poursuivis par des chasseurs noirs, et traverse toute l’Égypte, en baignant au passage les villes d’Éléphantine, d’Hermoupolis Magna de Memphis et d’ Alexandrie. Ces villes sont étroitement liées à l’histoire et la mythologie du Nil.
On reconnait Éléphantine dans le grand temple pharaonique qui s’élève à la naissance de la section du fleuve qui va de la frontière éthiopienne jusqu’au kilomètre de Memphis. L’emplacement de ce temple indique qu’il se trouvait en Haute-Égypte. Son iconographie, consistant en deux paires de statues oniriques dressées des deux côtés du pylône central, et un aigle aux ailes déployées posé sur le linteau de l’entrée, montre qu’il s’agissait d’un temple consacré à Osiris. Ce temple symbolise la présence du dieu là où le fleuve pénétrait dans le territoire égyptien, à l’emplacement où l’on révérait le tombeau d’Osiris et  où les prêtres guettaient chaque année les signes avant-coureurs de la crue.

Si l’on considère les éléments dominants de la mosaïque – la présence du couple royal, la crue du Nil, le culte d’Osiris et de Dionysos – le sanctuaire ne pouvait être que le Grand Sarapéion d’ Alexandrie.

Ce vaste tableau géographique est occupé par une série de scènes de la vie quotidienne et de cérémonies religieuses, dominées par la cérémonie du premier plan représentant , une grande fête égyptienne en l’honneur d’Osiris, célébrée à la fin du mois d’août, en présence des rois, dans le grand Sarapéion d’Alexandrie.

La partie supérieure de la mosaïque présente une véritable collection zoologique.
Les animaux évoluent en liberté dans le cadre vraisemblable de leur vie sauvage.
La partie supérieure de la mosaïque de Palestrina relève le défi qu’oppose à la science grecque l’extraordinaire fécondité de la nature dans les zones de confins, en recensant, en représentant et en nommant les formes diverses qu’y prend la vie animale.
L’Égypte des crocodiles et des hippopotames, où la sauvagerie animale s’insinue au cœur d’un univers opulent et hautement civilisé, qui connaît en pratique les oies de la fête et du banquet, trouve ainsi son digne prolongement avec les prédateurs et les bêtes sauvages, d’où l’homme semble évincé.

La mosaïque de Palestrina montre une Égypte imaginaire d’autant plus séduisante que ses images emblématiques sortent d’une réalité concrète.
Les pyramides ne sont pas représentées, ces monuments faisaient partie du monde aride du désert. Or les auteurs de la mosaïque s’étaient attachés à représenter une Égypte nilotique exotique, résolument moderne et vivante, d’où l’absence de ces anciens tombeaux abandonnés.
Il est vain, hors Alexandrie, de chercher à donner un nom précis à chaque monument ou agglomération représentés.

 

 

 

Analyse 

Le luxe sous la république romaine

« Le luxe des nations étrangères n’entra dans Rome qu’avec l’armée d’Asie ; ce fut elle qui l’introduisit dans la ville les lits ornés de bronze, les tapis précieux, les voiles et tissus déliés en fil …qu’on regardait alors comme une grande élégance dans l’ameublement…Et pourtant, toutes ces innovations n’étaient que des germes du luxe à venir. »
Ainsi se lamentait Tite-Live (59 av. J.C.) en décrivant la période du milieu du IIe av. J.C. pendant laquelle Rome se trouvait à la tête d’un empire qui s’étendait de l’Afrique du Nord à la Turquie.
Bien que cette image de déclin moral dû à l’importation de biens étrangers luxueux fût un thème littéraire populaire, il y a pourtant un élément de vérité dans le fait que les IIe et Ie siècles av. J.C. marquèrent un tournant dans le style de vie des Romains et dans les arts de luxe associés à l’abondance de biens.

À mesure que les armées romaines conquirent les territoires autour de la méditerranéen , les richesses pillées, mais aussi les artisans, revenaient à Rome.

La décoration des maisons individuelles devint de plus en plus élaborée, car les membres d’une aristocratie romaine en plein essor, très portés sur la compétition, cherchaient à exhiber leur statut social à travers leurs demeures et leurs objets de luxe.

C’est au cours de cette période, où la présence d’artistes, l’abondance de biens et la volonté d’utiliser l’art  dans des buts sociaux et politiques précis coïncidèrent pour donner naissance à l’art romain. 

Les artisans ne furent pas les seuls à émigrer vers l’Italie quand l’influence et la puissance de Rome grandirent. Des spécialistes en tout genre mirent leur connaissance au service de leurs nouveaux clients romains, fascinés par les confins toujours plus éloignés de l’Empire.

La mosaïque nilotique montre une vision fantaisiste de l’Egypte à un public italien.

Les mosaïstes s’appuyèrent sans doute beaucoup sur l’œuvre des topographes et des zoologistes  hellénistiques.
Les formes, idées et savoirs de la période hellénistique étaient de longue date adoptés et adaptés par les commanditaires romains.
Dans les maisons, le luxe ne se cantonnait pas à l’architecture. Tite-Live lui-même désignait les éléments du mobilier comme particulièrement représentatifs de l’opulence de son temps.
Non seulement les chefs d’œuvres grecs étaient importés à Rome mais de nouvelles œuvres sculpturales y étaient créées pour répondre à une demande croissante.

Les interprétations de cette mosaïques sont nombreuses, Fabienne Burkhalter, en propose deux, l’interprétation égyptienne de P.G.P. Meyboom et l’interprétation hellénistique de F. Coarelli.
Ni l’une ni l’autre ne sont satisfaisantes.  

Fabienne Burkhalter a son point de vue auquel j’adhère,
« la mosaïque de Palestrina présente une vue générale de l’Éthiopie et de l’Égypte à l’époque de la haute crue. Le contexte architectural dans lequel l’oeuvre originale était placée renforçait l’effet d’inondation, puisque la mosaïque, située dans l’abside aménagée en nymphée, était constamment recouverte d’une fine pellicule d’eau. Cette disposition subtile et raffinée exclut à notre avis, la possibilité que les événement représentés puissent se dérouler à n’importe quelle saison, et surtout en hiver, quand le sol égyptien était asséché. »
« L’omniprésence du Nil dans la mosaïque suggère que le port du premier plan était le Port lacustre plutôt qu’un des ports maritimes d’Alexandrie ».
Le regardeur observera que le Phare, symbole par excellence du port maritime n’est pas représenté.
« Contrairement à Meyboom et à Coarelli, qui dissocient les deux tableaux, Fabienne Burkhalter, pense que l’attroupement devant l’édifice à colonnes et la procession faisaient partie d’une seule et même grande scène qui se déroulait au premier plan de la mosaïque…ce cortège ne se dirigeait pas vers la petite porte qui conduisait au prétendu tombeau d’Osiris, mais s’avançait en direction des souverains et des soldats réunis devant le grand édifice à colonnes. »
« La présence d’un bateau de guerre dans le port lacustre d’Alexandrie  ne doit pas nous étonner, car nous savons par les sources littéraires que les forces navales ptolémaïques y furent plus d’une fois amarrées. Placée non loin des souverains, la galère de la mosaïque faisait pendant au petit détachement de soldats qui se tenaient devant l’édifice à colonnes. »

«  Ce vaste tableau géographique est dominé par la cérémonie du premier plan représentant une grande fête égyptienne en l’honneur d’Osiris, célébrée à la fin du mois d’août, en présence des rois, dans le grand Sarapéion d’Alexandrie. »

Le Nil, c’est la vie.
Dans cette mosaïque, l’artiste déploie un véritable catalogue de botanique, zoologie et ethnographie.
Avec les détails, l’artiste entretien une vivacité extraordinaire et pleine d’humour.
Tout est jeu, divertissement, désir et aventure.
C’est le récit d’un quotidien heureux et varié.

« La fascination de cette diversité repose sur le merveilleux de l’ensemble. L’imaginaire de l’exotisme est alimenté par une représentation utopienne auquel le regardeur croit, car elle le séduit. »

« Cette mosaïque traduit le pouvoir de fascination qu’exerce la civilisation hellénique d’Égypte sur les romains. Il s’agit de l’assimiler dans la civilisation romaine. »

 

 

 

Conclusion 

La grande mosaïque nilotique de Palestrina, découverte au XVIIe, a fait l’objet de nombreuses restaurations. Sa date et sa signification ont été largement discutées par les spécialistes.

La fascination de l’Égypte imprégna le monde antique. Elle fut telle que les grecs voyaient  dans l’Égypte la mère des civilisations, et l’inspiratrice de leurs plus grands penseurs.

Venant d’un monde où triomphaient les formes et les canons de l’art forgés en Grèce et à Rome, le visiteur antique découvrait un univers étrange affichant avec vigueur ses particularités culturelles au sein d’une nature défiant les lois communes.

Parmi celle-ci la mosaïque de Palestrina est la plus étonnante.
Elle est unique, déroutante tant par son réalisme que par la difficulté à la situer dans le temps.

 

 

Sources :
Article de Fabienne Burkhalter -1999, La mosaïque de Palestrina et les pharaons d’Alexandrie, chez Persée
Article : Alexandre, le Grand Helléniste, Le paysage nilotique