Le goût du Sud

Le mur du jardin – 1910

Quand John Singer peint la chaleur, sa lumière dilue les formes

Le soleil est à son zénith
Les pierres et la terre chauffées à blanc crachent leurs sucs
Les cigales se sont tues
L’air se découpe au couteau 
Une mouche vole 

C’est le goût du Sud, le goût du soleil 

Petit point sur les sorcières qui caracolent sur des balais …

 

Cette enluminure est extraite d’un manuscrit médiéval français, illustré par Martin Le Franc en 1451 et titré Le Champion des Dames

C’est à ce maître que l’on doit les premières représentations des sorcières à cheval sur des balais.

Le chapeau pointu, la peau verte, les verrues et le poil de barbe, viendront fleurir la sorcière au fil du temps.

Le maître du Champion des Dames est un enlumineur et cartonnier pour tapisserie du XVe. C’est un religieux né en 1410 et mort en 1461.
C’est un poète de langue française qui a travaillé hors de France au service de la maison de Savoie.

Son style particulier a permis d’identifier ses manuscrits.
Son œuvre principale est le manuscrit du Champion des Dames qui est un vigoureux plaidoyer où l’auteur prend la défense des femmes.

Il doit son nom à ce manuscrit :
Un poème en 472 huitains octosyllabiques à maître Martin le Franc son auteur.

Le sujet du manuscrit est,  les lamentations de son auteur Martin Le Franc qui n’a pas eu tout le succès qu’il espérait auprès des dames.

Ci-dessous trois miniatures extraites du Champion des Dames, suivies d’une illustration de sorcière du XXIe

Folio 56_2r.


Folio 413, r.
Catherine, Marie-Madeleine et Franc-Vouloir


Folio 437, v.
L’auteur Martin Le Franc

Et voilà la sorcière devenue … au XXIe !

Le trou de serrure

 

Félix Vallotton

Intérieur avec une femme en rouge  – 1903

Huile sur toile conservée au musée Kunsthaus à Zurich, en Suisse.

 

Vallotton place le regardant devant un trou de serrure.

Le télescope des cadres en enfilade
conduit notre regard jusqu’au lit.
Le désordre jalonne les pièces. Une chemise est jetée sur une banquette, une robe est négligemment posée sur un fauteuil.

Dans l’espace du regardant, une femme en robe de chambre rouge, s’est arrêtée.  Elle nous tourne le dos.

Le tableau raconte une histoire.…

Le peintre privilégie la ligne.
Une lumière douce se promène dans le décor effleurant les couleurs.
C’est un clin d’œil aux maîtres hollandais du XVIIe.

Vallotton peint l’opacité et la complexité du monde. Le peintre a réussi un tableau mystérieux.

Le tableau se mêle de la vie et nous distraie.

Petite musique …

Ce tableau de Picasso, Mère et enfant-1922, tinte comme un chant d’oiseau.
Quand les virgules au crayon  génèrent vitalité et lumière, le dessin s’éclaire. La couleur et l’émotion effleurent.

Portrait de Jeanne-Julie-Louise Le Brun se regardant dans un miroir – Élisabeth Vigée Le Brun 1786

Un gros coup de cœur

Pour ce portrait de petite fille, miroir fidèle aux idées et à la sensibilité de la seconde moitié du XVIIIe.
C’est le temps où J.J. Rousseau publie L’Émile ou l’Éducation –1742.

L’enfant s’amuse à se regarder et à regarder sa mère.

Élisabeth Vigée Le Brun démultiplie le visage de sa fille.
Avec ce double portrait, elle joue avec la réalité et l’illusion.
C’est l’apanage du peintre et de la peinture !

Élisabeth Vigée Le Brun exprime sa fusion avec son enfant.
Sa fille est son héros.
Sa fille est unique.
Terriblement encrée dans le réel à en devenir « surréaliste ».

En la représentant de profil et de face, la peintre crée un tableau dans son tableau.

Élisabeth Vigée Le Brun est une artiste impressionnante et résolument moderne.

Elle nous offre avec ce tableau un moment sincère de tendresse et de grâce infinie.

L’huile sur toile est conservée à New-York,
Au Métropolitan Museum of Art

Evelyn Brent -1920

En 1920, le studio Gorgeous a fixé pour l’éternité  le beau profil de l’actrice américaine, Evelyn Brent (1899-1975).
Sa carrière compte plus de 120 films dont un peu plus de 2 douzaines de films muets (dont 3 avec Joseph Sternberg).

Le lapin psychotique

 

 

Ce lapin, c’est Jack Nicholson dans Shining de Kubrick -1980 !

Le moine copiste devait s’ennuyer ferme lorsqu’il a peint ce lapin dans la marge d’un manuscrit médiéval.

Plus sérieusement, dans les manuscrits médiévaux les deux aspects du monde, l’un pieux et sérieux et l’autre comique cohabitaient.
Il y avait le lieu de la lecture et la marge pour se distraire.

Les pages des manuscrits des XIIIe et XIVe comportent, côte à côte, des enluminures pieuses illustrant le texte et des séries de dessins de chimères d’inspiration libre, sans rapport avec le texte.

Ces images de fantaisie existent mais ne fusionnent pas avec les images pieuses. Elles fonctionnent les unes par rapport aux autres à l’intérieur d’une même page, ou bien à travers une chaîne de motifs qui se répondent tout au long du livre.

L’incongruité de l’art des marges ne s’adresse pas à notre imagination comme le feront plus tard les rencontres fortuites dans les tableaux d’artistes comme Magritte ou Ernst.
Les images des situations humoristiques ou irrévérencieuses des manuscrits médiévaux ont un rôle de distraction comme le font les petits monstres qui sillonnent les écrans des jeux vidéo.

Ces singeries,  comme on en voit dans le manuscrit de Heures de Marguerite (XIVe) se retrouvent dans les bordures des vitraux de la même époque, à la cathédrale de York ou sur les aubes liturgiques faites pour l’abbaye de Westminster.

Pourquoi ces hauts commanditaires étaient-ils fascinés par ce monde simiesque ivre et titubant dans les marges de leurs vies bien réglées ?

Les marges étaient  le siège de forces puissantes.
Le passage de l’hiver à l’été ou du jour à la nuit était un dangereux moment de chevauchement avec l’autre monde.

Les enlumineurs peignaient les créatures qu’ils s’attendaient à rencontrer aux confins du monde crée par Dieu.

Celui qui a peint le lapin n’avait pas la conscience tranquille !

Dans un premier temps le scribe et l’artiste ne font qu’un, le scribe enlumineur monastique du VIIIe était un personnage révéré.
À partir du XIIIe l’enlumineur intervient après le copiste, ce sont des professionnels payés à la page.
Le scribe suit la réglure des lignes.
Et l’enlumineur réalise les images des marges, en leur assignant la place délimitée par les règles qui régissent cet espace ludique.

À la fin du XIIIe tous les textes ont leurs marges illustrées.
Les bibles, les livres d’heures, les romans sont remplis d’annotations visuelles.

Revenons à notre lapin
Quelle est sa signification ?

L’image ci-dessus est extraite du bréviaire de Renaud de Bar (XIVe)
Une compagnie de chiens monte l’assaut d’un « château d’amour » gardé par des lapins. Ces chiens symbolisent une tentative de conquête friponne.
Le lapin est associé au sexe féminin.

Alors le lapin brandissant une hache… à vous de voir !

Déesse UMAY – Religion des turcs de l’Orkhon des VIIe et VIIIe siècles

 

La déesse UMAY tient une place à part dans la mythologie turque.
Une place plus grande qu’elle ne tiendra jamais dans la suite des temps.

UMAY est l’être dans sa vie prénatale.
Elle représente la force motrice de l’individu, sa conscience profonde, son destin humain.

UMAY est le dieu qui protège les enfants et répand l’abondance sur terre.
Elle est le symbole des naissances et des fruits.