Les dieux de l’Olympe et la chute des géants – Palais du Te -1532-34 -Giulio Romano

 

Giulio di Pietro di Filippo de Ganuzzi dit Giulio Romano
Appelé en France Jules Romain (1492 ou 1499 -1546)

 

Les Dieux de l’Olympe et la chute des géants

1532-34

Fresque du plafond de la salle des géants -Palais du Te

Hauteur (jusqu’à l’arc) environ 7m

Conservé in situ au Palais du Te situé au sud de Mantoue, en Lombardie, Italie.

 

Le peintre

Giulio Romano est l’un des plus brillants élèves de Raphaël.
À la mort de celui-ci, il hérita avec Gianfrancesco Penni de ses biens et de ses dessins.
Il travaille avec son maître aux appartements du pape, au Vatican, ainsi qu’à la villa Farnese à Rome, avant d’être appelé à Mantoue par Frédéric de Gonzague sur recommandation de Balthazar Castiglione, auteur du Livre du courtisan.
En l’engageant, les Gonzague bénéficièrent de l’esprit le plus créatif de sa génération : il réalisa pour eux un chef-d’œuvre unique et durable, les fresques du palais du Te.
À la cour des Gonzague, Giulio Romano s’impose comme l’artiste universel, à la fois architecte, peintre et décorateur.
Pendant vingt ans il construit les plus importants édifices seigneuriaux et religieux de Mantoue.
Giulio Romano est arrivé à Mantoue avec le prestige d’être un disciple de Raphaël et l’expérience d’une méthode fondée sur un partage rigoureux des connaissances.
Le peintre recrée l’organisation de l’atelier de Raphaël.
Il est à la tête d’une équipe d’assistants et d’élèves qui lui permettent de coordonner la décoration de l’appartement dit de Troie (les fresques représentent des épisodes de la guerre de Troyes) dans le palais ducal avec celle de l’église abbatiale de San Benedetto Po. La production artistique de l’atelier couvre tous les domaines, peinture, architecture, sculpture, réalisation de pièces de tapisseries et de pièces d’argenterie.

 

La fresque

Situé aux environs de Mantoue, sur une ancienne île abritant le haras le plus célèbre d’Europe, le palais du Te était pour le duc Frédéric de Gonzague un lieu de repos et de divertissements.
C’était un édifice à un seul niveau autour d’une cour carrée avec un grand jardin.
La construction est caractérisée par l’équilibre existant entre les motifs classicisants et d’autres éléments plus nettement maniéristes.

À l’intérieur de la porte principale, les colonnes de chaque côté, grossièrement taillées, sont prises dans un manchon de pierre de plâtre en relief, pour donner un aspect inachevé. C’est une parodie du vestibule du palais Farnèse à Rome.
Chaque salle du palais a des dimensions, une structure et une décoration différente, ce qui crée un effet de surprise. `

La décoration à fresques suit deux thèmes iconographiques :
Celui des passions amoureuses. Le duc y logeait sa maîtresse : la salle de Psyché est décorée de scènes somptueuses illustrant l’amour de Cupidon et de Psyché.
Et celui des vertus de Federico de Gonzague.
Dans la salle des géants, la punition des Titans représente sa fidélité à l’autorité impériale de Charles V.
Il y a aussi, la loggia des Muses qui conduit à  la salle où Giulio Romano réalisa des portraits individuels des plus beaux chevaux du duc dans un décor architectural en trompe l’œil.

La pièce la plus remarquable du palais est la salle des géants qui renferme la fresque étudiée.

Crée pour une visite de l’empereur Charles V, la salle des géants présente des spectacles de cour pour le prestigieux invité. Les mises en scène reconstituent des scènes mythologiques au cours desquelles une machine fait monter et descendre des acteurs des cieux.

Giulio Romano a décoré cette salle du sol au plafond en la recouvrant de la fresque représentant la chute des géants du mont de l’Olympe.

Le peintre s’est inspiré des Métamorphoses d’Ovide qui est une source d’inspiration inépuisable pour les artistes depuis le Moyen-Âge.
Enracinée dans la culture picturale de la Renaissance, le thème de la mythologie embrasse une grande diversité d’œuvres et les fresques du palais du Te en sont une formidable exemple.

Les Géants, fils de la Terre et frères des Titans, se rebellèrent contre les dieux et sont anéantis par la foudre de Zeus.
La guerre cosmique qui vit s’affronter dix ans durant les deux générations de dieux est connue dans la mythologie comme la Titanomachie.

Les fresques de Giulio Romano témoignent de l’adaptation du thème à la politique des rois européens de la Renaissance.
La fresque de la chute des Géants est une allégorie de la victoire de Charles V sur les Français.

L’entrée de l’Olympe était fermée par une grille de nuages gardée par les saisons. Dans ce domaine,  les dieux vivaient et festoyaient.
Zeus, maître des tempêtes et des orages, souverain des dieux était le seul à pouvoir manier l’arme de la foudre contre tous ceux qui osaient s’opposer à sa volonté.

 

Composition

Au centre du plafond en voûte, le temple de Zeus est soutenu par des nuages. Trônant sur les nuages, dieux et déesses forment un cercle sous un oculus duquel
Zeus lance des éclairs sur les géants qui ont osé le défier.
Entouré par tout le panthéon de divinités païennes, Zeus répond à l’affront en lançant ses foudres sur la terre et en frappant les géants dans leur maladroite tentative d’ascension. Les géants ont des visages grotesques et désespérés. Ils sont engloutis par des rochers et des colonnes.

C’est une mise en scène théâtrale : L’effondrement du bâtiment ainsi que la panique des géants sont représentés en trompe-l’œil.

Les dimensions monumentales des figures mettent en évidence la taille humaine des regardants.

Giulio Romano emploie toutes les ressources de l’illusion et du clair-obscur.

La salle des géants est mal éclairée à dessin, pour renforcer l’impact des fresques sur le regardant frappé de stupeur devant ce cataclysme.

La fresque est située dans une salle d’angle, toutes les parois sont peintes du sol au plafond. L’effet est à la fois troublant et fascinant.

Giulio Romano utilise plusieurs points de vue qui sont incompatibles.
Ce procédé renforce l’aspect fictionnel de la fresque.

Tout autour de nous, l’architecture fictive de la salle s’écroule, écrasant les géants et menaçant de renverser également le regardant.
Le regardant  est englobé dans la composition.

Les détails descriptifs sont très soignés.
Les géants ont des corps musculeux, démesurés et déformés.
Les formes sont amplifiées.
Le dessin est d’une grande force suggestive.

Les couleurs sont crues.
Elles offrent une image vive et crédible de la cour des Gonzague.

 

Analyse

I – Les fresques de Giulio Romano sont aussi enjouées que subtiles.

Giulio Romano apporta une touche amusante et pleine d’esprit, dans le très sérieux art du renouveau antique : la scène est grotesque avec ses figures monstrueuses. La prestigieuse architecture romaine est instable et dégradée.

Giulio Romano utilise le décalage de l’ironie.
Sa scène est ambigüe.
Le temple minuscule flotte sur les nuages et résiste au cataclysme alors que les géants semblent légers et fragiles.

Giulio Romano fait preuve de la même irrévérence pour l’art antique dans d’autres parties du palais. Sur la façade de la cour, il juxtapose formes achevées et inachevées. IL mélange les ordres architecturaux, déplace les blocs triglyphes de la frise, place un fronton sous l’architrave et remplace les métopes par des espaces vides.

II – La salle des géants est la quintessence de la décoration maniériste.

C’est un mélange de vrai et de faux.

Une imagerie complexe exprime le sérieux du contenu moral du mythe et contraste avec la réalité solide et imaginaire du terrible carnage sur les murs.

Le style du palais est un compromis entre le style classicisant de Raphaël et les « manières » de Michel-Ange -dont Giulio Romano admire le travail.

Pour réaliser cette fresque Giulio Romano s’est inspiré de plusieurs œuvres existantes :
-La coupole peinte au milieu du plafond rappelle une pièce du palais des Gonzague décorée par Andrea Mantegna, qui donne également l’illusion d’un oculus depuis lequel des figures regardent vers le bas.
La Chambre des époux -1465 à 74, Mantegna.
-pour le petit temple qui couronne la composition, il a regardé l’amoncellement des corps de la chapelle Sixtine -1511, Michel-Ange
-pour les corps écrasés aux visages désespérés, il fait référence au Concile des Dieux –1518, réalisé par Raphaël et son atelier au centre du plafond de la loggia de l’Amour et Psyché, en 1518 à la villa Farnèse.
– pour la ronde des olympiens Giulio Romano s’est inspiré de son décor de la bataille du pont Milvius, qu’il a réalisé en 1520 dans la salle de Constantin du Vatican.

Avec la fresque des Géants, Giulio Romano est à l’apogée de sa vocation scénographique et théâtrale.

Son goût pour l’artifice est en symbiose avec le style maniériste.

III – Quelle que soit la diversité des sujets des différents salles, la glorification de la dynastie régnante est le fil conducteur de toutes les fresques du palais.

Les Gonzague désirent éblouir Charles V.
la finalité de ces fresques est de glorifier les commanditaires et de servir leurs desseins politiques.

Federico de Gonzague avait un soin maniaque de sa propre image.
 Il s’identifie à la représentation traditionnelle de Zeus, roi des cieux et maître de l’Olympe.

La salle des géants évoque les succès politiques et militaires impériaux contre les puissances ennemies. La vision illusionniste et angoissée de la punition des Titans représente sa fidélité à l’autorité impériale de Charles V.

Dans la salle de Psyché, les amoureux sont traités avec une liberté et une audace du goût du duc.

Les fresques du palais du Te sont destinées aux membres de la cour de Mantoue, lettrés, cultivés et capables d’interpréter le sens caché qu’elles contiennent.


IV – Transposée au XXIe, cette fresque nous interroge sur notre actualité

En entrant dans la salle des géants, le regardant est immergé dans un monde en crise. Par analogie, le récit mythique entre en résonnance avec nos crises actuelles.
Géants écrasés par les pierres ou crises écologique, sociale ou politique seraient autant de symptômes du déclin de nos sociétés.

Une seule échappatoire : la porte d’accès à la salle qui, elle, est bien réelle. Faisant office de point de fuite, la porte agit en offrant un point à l’infini, une sortie.

Alors, à travers le spectacle effroyable des géants écrasés par les pierres saturant notre perception, la porte ouvrant sur un nouvel horizon nous invite à appréhender le monde de façon différente.

Afin d’obtenir les effets auxquels nous aspirons, La chute des géants nous suggère de basculer les concepts de limite et de croissance qui sont les ressorts de nos crises, en concepts de seuil et d’émergence.


Conclusion

Giulio Romano a mis huit ans pour transformer ce quadrilatère autour d’une grande cour en un palais magnifique.

À l’intérieur,  le décor des appartements est inspiré par le souci de la variété.
chaque salle du palais a des dimensions, une structure et une décoration différente ce qui crée des effets de surprise.

Rien de tout cela ne se faisait à l’époque.
De nos jours ces créations enchantent encore les visiteurs du palais du Te.

La conque de Marsoulas

Après bien des tâtonnements les chercheurs et les paléontologues ont établi que cette conque avait une fonction d’instrument de musique

Les hommes de la période du Magdalénien ont retaillé et décoré cette conque pour la transformer en instrument de musique

Trois notes venues du fin fond des Âges.
Trois notes qui nous font remonter le temps à la vitesse de la lumière.

Trois notes de musique que nos ancêtres ont façonné dans un coquillage
Trois notes de musique qui nous racontent notre Préhistoire
Trois notes de musique qui nous parlent de notre humanité

Il y a 18 000 mille ans nous chassions et nous cueillons et ce que nous appelons aujourd’hui l’Art coulait  déjà dans nos veines.
Les peintures rupestres des grottes en attestent, les gravures sur les os le prouvent et cette conque le chante.

Il y a 18 000 mille ans, nous écoutions les musiques de l’air et de l’eau
Le bruissement des feuilles agitées par le vent
Le hurlement de l’air s’engouffrant dans les grottes
Le tintement de la pluie sur les pierres
Les grelots de l‘eau des torrents
La mélodie du ressac des vagues

Alors l’homme voulu créer la musique des hommes
Il souffla dans un coquillage et le modifia jusqu’à en extraire trois notes
Do do dièse et ré

Et nous avons recueilli cette musique

Avec le temps la terre a modifié les roches, les vents, les mers, mais pas la musique des hommes. Notre Terre et son climat ont changé mais la musique des hommes est immuable.

Ce n’est pas un miracle, c’est notre intelligence, c’est l’héritage de notre humanité.

Do do dièse et ré

La grotte de Marsoulas (Haute-Garonne, France) se situe dans le piémont pyrénéen.

Elle est la première grotte ornée découverte dans cette région en 1897. Elle recèle un art pariétal abondant et renferme des niveaux archéologiques attribués au début de Magdalénien. Elle est classée monument historique le 8 janvier 1910.

Les fouilles qui permirent la découverte du coquillage enfoui devant la grotte eurent lieu en 1931. Le coquillage marin était à 1,60 m sous le niveau d’humus parmi d’autres vestiges archéologiques.

Ce coquillage porte le nom scientifique de Charonia lampas. Il est originaire de la Mer du Nord. Il a de grandes dimensions qui démontrent son adaptation aux conditions de vie en eau froide : 31 cm de long pour 18 cm de large et une coquille de 0,8 cm d’épaisseur.

Ces fouilles furent menées conjointement par le propriétaire de la grotte Henri Begouën (chargé de cours à l’université de Toulouse) et James Townsend Russell (de la Smithsonian Institution à Washington).

Merci à l’équipe pluridisciplinaire du CNRS, du Muséum de Toulouse, de l’Université Toulouse et du musée du Quai Branly
Qui a mis à profit les progrès de la culture scientifique pour, 30 ans après sa découverte, permettre de déterminer que cette conque a été détourée pour devenir un instrument de musique.
Les chercheurs ont publié leur découverte dans la revue Science Advances.

Les scientifiques, les archéologues et le corniste ont observé que l’apex (la partie pointue du coquillage) avait été tronqué méthodiquement pour dégager une ouverture arrondie de 3,5 cm.
Le coquillage a été perforé pour intervenir sur la circulation de l’air à l’intérieur. L’ouverture de l’apex permettant d’insérer un embout. Cela a été mis en évidence par une numérisation très précise réalisée au CNES (Centre national d’Études Spatiales) qui a permis d’explorer les structures internes du coquillage sans le casser.
Ainsi nous pouvons affirmer aujourd’hui, que ce coquillage a fait l’objet de modifications humaines préhistoriques dans le but de pouvoir souffler dedans.

Après traitement d’image, des traces d’ocre rouge en forme de points et de traits, permettent d’affirmer que le coquillage a été décoré sur ses parties externe et interne.

Exceptionnel par son épaisseur et ses dimensions, ce coquillage nous donne accès à un univers sonore immatériel, l’univers sonore de nos ancêtres,
le son de notre préhistoire.

Do do dièse et ré

Pour écouter le son de la conque.
Entrez sur le Net :  Marsoulas  Schell Conch Sond