Ben Nicholson (1894-1982)
Août 1959 (Argolis)
1959
Huile sur toile
Dim 122 x 228 cm
Conservé dans une collection particulière
Le peintre
Ben Nicholson naît dans une famille entièrement consacrée à l’art. Il voyage, Paris, Rome, l’Espagne, les États-Unis, il dessine sur le motif, entre 1911 et 1914.
En 1922, sa première exposition personnelle est organisée à Londres.
En 1926, il réalise ses premières gravures.
Ben Nicholson sera de toutes les avant-gardes dans les années 30. L’artiste combine abstraction et figuration.
Il sera membre d’Abstraction-Création en 1933, d’Unit-One en 1934 et avec Naum Gabo fondateur de la revue Circle de 1935 à 1937.
De 1930 à 1933, l’œuvre de Nicholson est fortement influencée par le cubisme, l’œuvre de Braque et sa rencontre avec Mondrian.
En 1933, il réalise des reliefs, rectangles et disques gris ou rouges.
En 1934, il prolonge la série avec des disques blancs.
Le sculpteur Barbara Hepworth sera sa femme de 1932 à 1951. Le couple s’installe en Cornouailles en 1939. Dans cette période Nicholson réalise des toiles figuratives, principalement des vues du port, du village ou de la campagne autour de Saint Ives.
Après la guerre, Nicholson reprend ses natures mortes d’objets aux formes linéaires et géométriques dans de très grands formats.
Il s’installe en Suisse pour plusieurs années.
Dans les années 60, le peintre exécute des reliefs monumentaux, découpés, sculptés et colorés.
En 1971, il est de retour en Angleterre.il revient à des gouaches sur papier et aux dessins d’objets.
Ben Nicholson a reçu le premier prix international Carnegie à Pittsburgh en 1952, le premier prix international Guggenheim en 1956 et le prix de peinture de São Paulo en 1957.
Il meurt à Londres en 1982.
Le tableau
Bien que le titre du tableau mentionne Argolis, une ville grecque du nord-est du Péloponnèse, le peintre exécuta en réalité cette œuvre en Suisse, quatre mois après son voyage en Grèce.
Il est possible que le titre évoque le paysage sous-entendu ainsi que la pureté et l’équilibre classiques de la composition.
Composition
Des objets sont disposés sur une table et convergent vers ce qui pourrait être une étendue bleue, gommant la distinction entre l’intérieur et l’extérieur, et entre la nature morte et le paysage.
La juxtaposition de la nature morte et de l’eau peut aussi se rapporter à la vue depuis la fenêtre de son atelier sur le lac Majeur.
Le dessin, important chez Nicholson, l’est particulièrement dans les compositions comme celle-ci, où les traits dessinent des formes par-dessus de grandes zones colorées.
L’espace extérieur est suggéré par des zones de bleu océan.
Une ligne horizontale qui traverse la composition dans son axe est interrompue, mettant en valeur les angles et renforçant la composition complexe de formes plates et en relief.
Les touches de couleurs fournissent des accents qui divisent les plans du paysage.
Le parcours artistique de Ben Nicholson :
Nicholson a une dévotion tenace à l’abstraction.
Alors que nombre d’artistes britanniques conservent une approche figurative et tendent vers l’érotisme et le « merveilleux » du surréalisme, Nicholson s’investit activement dans l’abstraction.
Pourtant quelque abstrait que fut son art, il conserva un lien fort avec le monde naturel.
Nicholson s’inspira de la scène artistique parisienne et devint membre de l’association Abstraction-Création. Celle-ci se consacrait à la promotion d’un art purement abstrait, et le peintre y noua des liens étroits avec des artistes tels que Pablo Picasso, Georges Braque et Piet Mondrian.
Les premières œuvres de Nicholson s’enracinent dans le cubisme, de même que dans ses reliefs des années 1930 où les creux circulaires pouvaient être interprétés comme un développement des ouïes de guitare récurrentes dans les tableaux cubistes.
À l’instar de Braque, Nicholson s’intéresse aux relations entre la forme et l’espace. Comme Mondrian, il cherche à en simplifier la nature au moyen de grilles plutôt que de tout rejeter en bloc.
Sa relation avec la sculpteur Barbara Hepworth à partir de 1931, joua un rôle dans sa décision de passer du tableau en deux dimensions au relief.
En Octobre 1931, Nicholson s’installe à Hampstead, au nord de Londres, où il travaille aux côtés de Barbara Hepworth, Henry Moore, Piet Mondrian et Naum Gabo.
En 1936, l’année de la « London Surréalist Exhibition », Nicholson expose parmi des artistes contemporains européens lors de la première exposition internationale d’art abstrait de Grande-Bretagne, « Abstract and Concrete ».
En 1937, il lance la revue Circle avec Gabo, aspirant à faire de Londres un centre artistique international. L’entrée en guerre en septembre 1939 coupe court au projet.
Nicholson et Barbara Hepworth, qu’il avait épousé en 1938, partent alors pour Carbis Bay, près de St. Ives, en Cornouailles.
Nicholson exécute quelques paysages durant la guerre, mais ses œuvres abstraites, empreintes de couleurs subtiles, de traits délicats et de beauté pure, confirment sa place parmi les acteurs majeurs de l’art du XXe.
À partir de 1949, Nicholson et Barbara Hepworth sont rejoints à St. Ives par Gabo et par une génération de peintres britanniques plus jeunes, dont Peter Lanyon et Patrick Heron. Une nouvelle ère d’interaction et d’enrichissement mutuels s’ouvre, à la tête de laquelle Nicholson a indubitablement sa place.
Ses tableaux et ses reliefs se firent plus complexes que jamais. Le processus de réalisation de ses œuvres inclue souvent des techniques telles que le grattage de la surface avec une lame, dont le résultat s’apparente à un phénomène naturel d’érosion.
L’intérêt de Nicholson pour la « forme signifiante » plus que pour le sujet l’amène non à rejeter totalement tout contenu, mais à l’assujettir à des expérimentations de formes et de tons.
Si les tableaux réalisés après-guerre consistent presque exclusivement en des œuvres abstraites, ses quelques paysages représentent des lieux précis.
Il exécute également des reliefs auxquels il attribue parfois des titres évoquant des lieux qu’il visite au cours de voyages à l’étranger, après son départ pour la Suisse en 1958, ou encore d’endroits qu’il n’avait jamais vus.
Nicholson demeure profondément citadin et cosmopolite, et pourtant il consacre une grande partie de sa carrière à la réalisation de tableaux abstraits inspirés de paysages ruraux.
Ce qui intéresse Nicholson est de rendre sensible et traduire un concept qui doit être à la fois musical et architectural.
Le fait que la relation visuelle entre les formes soit plus ou moins abstraite lui importe peu.
De son dessin Guido Dorflès écrit : « Il est pour lui, non seulement le squelette de la peinture mais il forme un tout avec elle, il est l’élément de base qui vient avant ou après la couleur sans lequel l’œuvre peut difficilement tenir. C’est dans l’inexactitude que réside le pouvoir de suggestion. Seul celui qui a compris cette rigueur de l’imprécision, cette indétermination contrôlée pourra saisir en profondeur le message artistique de Nicholson. Il se plaît à se servir de l’élément de hasard, d’une tache ou d’une imperfection du papier. Mais à la différence des tachistes, l’élément offert par le hasard sera toujours examiné, analysé et transformé en facteur maïeutique pour une création ultérieure ».
Nicholson est humble à l’égard de la forme qui est importante et caractéristique.
La couleur tenue dans une forme de simplicité acquiert une saveur métaphysique.
Lorsqu’un artiste peut utiliser ces éléments de manière libre et créative, il exerce une influence puissante sur la vie du regardeur.
Chaque mouvement que le regardeur fait est affecté par la forme et la couleur.
L’art abstrait ramène l’art dans la vie de tous les jours.
On trouve la preuve et son influence sur de nombreuses choses, comme l’architecture contemporaine, les voitures, la typographie, la publicité.
Les problèmes traités dans l’art abstrait sont liés au jeu des forces.
Bien que l’art abstrait soit une peinture et une expression sculpturale libre et non diluée, il doit avoir une puissance spéciale en soi.
Les formes géométriques utilisées par Nicholson n’indiquent pas, une approche mathématique consciente et intellectuelle – un carré ou un cercle dans l’art ne sont rien en eux-mêmes et ne sont vivants que dans l’utilisation instinctive et inspirée que le peintre peut en faire pour exprimer une idée poétique.
Si vous prenez un carré bleu et un carré rouge et que vous les placez sur une surface blanche et froide, vous pouvez créer une tension entre ces forces.
Les formes géométriques utilisées par Nicholson n’indiquent pas une approche mathématique consciente et intellectuelle.
Les formes ne sont pas entièrement libres, elles le sont dans la mesure où chaque objet peut être vu d’autant de points de vue que l’on veut en même temps.
Les formes sont agencées pour créer un jeu spatial entre les plans.
La peinture pour Nicholson ne réside pas dans l’imitation du réel mais bien dans le faire.
Dans ce tableau, Nicholson crée une variété d’effets qui vont de la séparation à l’interaction des éléments.
Ben Nicholson a porté à son point suprême le besoin de transparence et de pureté dans ce tableau. C’est un rêve immobile.
L’inventivité du peintre, son imagination travaille avec une précision maniaque sur la ligne et le plan de la couleur. Les couleurs sont libres.
La contraction abstraite vient comme un élément utile à la tension du style.
L’art abstrait est un langage puissant, illimité et universel.
Conclusion
Ben Nicholson aura produit une œuvre extrêmement raffinée, reconnaissable entre toutes, une œuvre présente dans les collections des plus grands musées internationaux.
La Tate Gallery de Londres conserve un grand nombre de ses œuvres.
Le peintre a acquis une renommée universelle dans les années 30, avec ses reliefs peints.
Tout au long de soixante ans de carrière, Ben Nicholson touche à la peinture, au dessin et à la gravure autant qu’aux reliefs.
L’originalité de l’œuvre de Ben Nicholson tient, en plus de son utilisation du relief, à son ambiguïté.
Le peintre a toujours pratiqué un art tantôt abstrait, tantôt figuratif où paysages et natures mortes restent lisibles malgré la forte stylisation dont ils sont emprunts.
Sources :
Article de Léon Mychkine -2022 : Ben Nicholson, « Notes on abstract art » (1941)