Déesse et musicien céleste – Ve siècle

Déesse et musicien céleste 

Ve siècle 

Peinture sur mur
Dim H : 203 cm

Originaire de nord-est de la Chine

 

 

La fresque 

Cette fresque représente un musicien céleste jouant aux côtés d’une déesse qui l’écoute attentivement.
Tous deux portent des signes distinctifs des créatures célestes : couvre-chef élaborés, lobes d’oreille allongés et halos.

Le bleu et le vert vifs de leurs vêtements contrastent avec les tons mats de l’arrière-plan, une caractéristique commune de l’art du kizil, au nord-est de la Chine, d’où provient cette œuvre.
Les bijoux et les rubans flottants rappellent l’art de la Perse sassanide (l’actuel Iran), tandis que l’iconographie et la composition viennent de l’Inde.

Le rendu stylisé de l’espace, avec des gouttelettes de fruits et de fleurs, est caractéristique de l’art local.

 

 

L’art bouddhiste de la route de la soie 

La route de la soie ne désigne pas seulement une route mais un réseau de voies de communication à la fois terrestres et maritimes, ayant mis en contact dès l’Antiquité les contrées lointaines de l’Orient et de l’Occident.

Au total, la route de la soie couvre une distance d’environ 7000 kilomètres depuis la capitale chinoise Xi’an jusqu’à la Méditerranée.

La redécouverte, au XXe, des sites et des temples bouddhiques, l’arrivée dans les musées occidentaux de documents et vestiges divers vont accroitre l’engouement pour ces cultures.

Le réseau de voies qu’on appelle « route de la soie » est lié aux routes de l’encens, de l’ivoire et des épices et traverse de nombreux pays comme la Chine, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde, l’Iran, la Syrie et la Turquie, avant de traverser la mer Méditerranée et d’arriver jusqu’à nous.

Ces réseaux mettant en contact des peuples et des civilisations fort différents, permirent non seulement des échangent commerciaux mais aussi philosophiques, religieux, scientifiques, culturels, esthétiques et techniques.

Le long de ces axes se créent progressivement de grands relais bouddhiques.
Ces monastères bouddhistes offrent l’hospitalité aux voyageurs et aux marchands. Les monastères se constituent ainsi des fonds qu’ils reconvertissent en œuvres d’art. Les grottes de l’oasis de Dunhuang le montrent.

L’importance culturelle de la route de la soie, ce réseau d’échanges qui s’étendait dans toute l’Asie depuis la Chine jusqu’à la Méditerranée, apparait non seulement dans les biens échangés mais aussi dans les idées et les influences qui furent transmises et transformées grâce à elle.

Parmi celles-ci se trouvait le bouddhisme, qui se répandit depuis son berceau en Inde le long de la route de la soie vers l’Asie centrale et la Chine.

À mesure que grandissait sa popularité, le bouddhisme, tout comme l’art qui y était lié, connut des changements fondamentaux, reflétant la grande diversité de son laïcat grandissant.

Le bouddhisme remonte à Siddhartha Gautama, prince indien du VIe av. J.C. qui abandonna sa vie de luxe pour partir en quête de vérité spirituelle et devint l’illuminé, ou Bouddha.
Après sa mort, son enseignement fut recueilli et diffusé par des disciples errants jusqu’à devenir une institution.

Très tôt, le bouddhisme attira l’intérêt des dirigeants séculiers qui y voyaient une opportunité d’acquérir une dimension spirituelle pour consolider leur pouvoir.

Le grand roi indien Ashoka fut longtemps considéré comme le premier protecteur du bouddhisme. Il aurait envoyé des émissaires porter des enseignements du Bouddha au Sri Lanka, en Asie centrale et en Chine.
Bien que cet appui royal ait certainement consolidé l’influence du bouddhisme, les institutions monastiques bouddhistes étaient en général fondées et entretenues par les dons des gens du peuple, comme le suggère le grand nombre d’inscriptions dédicatoires mentionnant le nom des moines, nonnes, commerçants et autres particuliers.
Le rôle des marchands fut très important dans l’extension géographique du bouddhisme, car ceux-ci financèrent l’édification de monuments et d’instituts bouddhistes dans les centres politiques et économiques importants des routes commerciales.

Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, l’Asie Centrale devint le lieu privilégié des rencontres et des échanges entre les cultures asiatiques et les cultures méditerranéennes par l’intermédiaire des civilisations du Proche Orient. 

Le bouddhisme était fermement établit en Asie centrale.
En Chine, les premières traces du bouddhisme datent du 1er av. J.C.
Explorateurs et archéologues ont découvert des centaines de sites bouddhistes, richement décorés de statues, bas-reliefs sculptés  et tableaux illustrant la philosophie de cette religion.

Les conquêtes d’Alexandre le Grand constituèrent le premier contact historiquement avéré entre la civilisation grecque et l’Orient. 

Ces conquêtes qui menèrent le Macédonien successivement en Perse, puis en Asie centrale et enfin jusqu’aux limites de l’Inde furent à l’origine des premiers rapports durables entre le monde indien et le monde grec.
Ce n’est qu’après le départ des armées d’Alexandre, que le roi Açoka, qui était le fils de Chandragupta est considéré comme le premier souverain converti au bouddhisme. Il étendit ses propres conquêtes sur tout le nord de l’Inde et favorisa la diffusion du bouddhisme à l’intérieur et à l’extérieur de son empire. Après Açoka le bouddhisme se diffusa massivement en Asie, vers le nord comme vers le sud, en empruntant les routes commerciales. 

À mesure que le bouddhisme se répandait hors de son berceau, il ne cessait d’adapter son langage visuel aux environnements culturels qu’il rencontrait.

Le carrefour que constituait la région du Gandhâra, par exemple, vit l’essor d’un art bien distinct qui combinait avec grâce des éléments indiens, gréco-romains  et iraniens dans des styles nouveaux et adaptés aux goûts locaux, à la fois pour attirer les fidèles et faciliter visuellement les apprentissages bouddhistes.

L’expansion vers l’est de l’Empire sassanide au IIIe av. J.C. eut également une influence dans les arts d’Asie centrale, qui se refléta par exemple dans l’art bouddhiste de Bamiyan où les traditions iconographiques du bouddhisme indien, combinées à des éléments dérivés du style de Gandhâra, se mêlèrent à ceux originaires de la Perse sassanide.
Ce style hybride se retrouve également dans les œuvres découvertes dans l’ancienne province du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, par exemple dans les grottes de Kizil.

Dans la seconde moitié du 1er millénaire , les cultures sédentaires des oasis d’Asie centrale, d’abord en majeure partie indiques et iraniennes, se mélangèrent avec celles de tribus turques, comme les Ouïgours, et intégrèrent également les traditions artistiques chinoises largement répandues de l’époque des Tang.
La position de la région en tant que carrefour panasiatique et creuset culturel se trouva ainsi consolidée.

En allant plus encore vers l’ouest on passe à l’Iran, à l’Irak, à la Syrie, à la Turquie, au Liban, à la péninsule arabique, à l’Égypte et l’on arrive finalement à la Grèce puis à Rome. Lorsqu’on remonte aux origines de la culture orientale, on s’aperçoit que la culture du Moyen et du Proche-Orient s’est étendue à l’Europe et s’est répandue de manière très large sur tout le continent eurasiatique.

Pour preuve, les piliers en bois du monastère Hôryû-ji, édifié à Nara au VIIe, offrent des ressemblances avec les colonnes renflées au tiers de leur hauteur des temples grecs. De même, les peintures murales à thème bouddhique qui ornaient la pavillon principal de ce monastère présentaient des dessins qui rappellent le motif décoratif composé de rangées de perles, issu de la culture de la Perse sassanide.

La chine médiévale en plein essor intellectuel se traduit sur la route de la soie par des échanges commerciaux et intellectuels. La circulation de copies, de traductions et l’adaptation d’objets et de concepts prennent place dans la conscience populaire sous forme de textes, d’images, de rituels et de savoirs.
Le syncrétisme religieux est évident dans la  Chine des Tang, et la puissance du syncrétisme culturel, par la route de la soie, s’immisce lentement au cœur de la Chine.

À mesure qu’il s’est diffusé en dehors de l’Inde et à travers l’Asie, le bouddhisme s’est toujours adapté, intégrant un certain nombre d’éléments culturels et de traditions locales dans les pays qu’il a traversés. Il a incorporé des concepts, des rites et même des divinités, et s’est ainsi intégré très naturellement et harmonieusement à la vie des populations.

Le but du bouddhisme n’est pas de régir la vie des gens ou de les contraindre avec des dogmes, des préceptes ou des interdits religieux. Il vise à leur permettre d’acquérir une solide autonomie intérieure, afin que les hommes puissent œuvrer librement à leur propre bonheur et à celui des autres, et contribuer positivement à leur société.

Le bouddhisme nous exhorte à œuvrer à la création d’une société dans laquelle les gens se soutiennent pleinement les uns les autres dans cet esprit, afin de réaliser tout leur potentiel. Dès lors que cet esprit est établi, toutes les cultures et modes de vie sont valables.

Quelle est l’image des cultures et des religions orientales dans la pensée occidentale 

À travers les œuvres antiques, se dessine un « regard » de l’Occident sur l’Orient.
Hérodote est ses successeurs se firent l’écho des légendes colportées sur l’Asie.
Les grecs ont prêté une oreille attentive aux légendes sur l’Orient, ils se les ont appropriées en les interprétant conformément à leur représentation du monde.

Du 1er au VIIe le bouddhisme était particulièrement florissant dans toute l’Asie.
Mais la barrière des VIIIe et IXe voit une redistribution des forces socio-religieuses tant en Asie que dans le bassin méditerranéen.

En Orient, l’islam, apparu en Arabie au tout début du VIIe et se montra une religion conquérante, les Arabes s’appliquèrent à la conversion du Moyen-Orient, prirent Jérusalem, dominèrent la Perse et envahirent l’Europe par l’Espagne pour finalement étendre leur influence sur l’Asie orientale et l’Asie centrale.
À la même époque le bouddhisme réussit à s’implanter durablement en Asie du Sud Est et en Haute Asie. On assista alors à la naissance des premières royautés bouddhiques.

Au même moment en Europe, l’avènement du christianisme fut à l’origine d’événements qui créèrent les conditions d’une rencontre intime et durable avec le bouddhisme.
Les croisades menèrent les chrétiens au Moyen Orient ; il en résulta une augmentation des contacts directs avec les musulmans, qui ouvrit l’Occident à une meilleure connaissance de l’islam.

 

 

Conclusion

Les bouddhistes se sont toujours montrés respectueux des autres formes de croyances, en vertu des fondements éthiques de leur religion : l’altruisme, la compassion et la prohibition de la violence.

Le bouddhisme n’est pas seulement une religion contemplative. Comme les autres grandes religions universalistes, il a une dimension résolument missionnaire, ce qui lui a permis de se propager dans toute l’Asie, et d’être pratiqué par plus de 300 millions de personnes de par le monde.

 

 

Sources :
La route de la soie -article de D. Haumont et C. Van Linden -1999
Article de monsieur Ikuo Hirayama -2018 : À propos de l’héritage culturel de la Route de la Soie
Article d’Éléonore Caro -2018 : Savoir traditionnel et pratiques magiques sur la route de la soie
Le bouddhisme, religion missionnaire – Thèse de doctorat de Lionel Obadia.1996