Le Vésuve de Portici – 1774-76 – Joseph Wright of Derby

Joseph Wright of Derby (1734-1797)

 

Le Vésuve de Portici 

1774-76

Huile sur toile
Dim 101 x 127 cm

Conservé à la Huntington Library de Saint-Marin en Californie

 

Le peintre

Joseph Wright of Derby apprent à dessiner en autodidacte en copiant des gravures, il a seize ans.
En 1751, il est à Londres l’élève du portraitiste Thomas Hudson.
En 1753, il retourne à Derby et peint des tableaux de paysages.
En 1756, il entre de nouveau dans l’atelier de Thomas Hudson dans le but d’améliorer sa technique et se lie d’amitié avec John Hamilton Mortimer.
En 1765, Il expose pour la première fois à Londres à la Society of Artists, il a trente-et-un ans.
Entre 1766-1771, il est à Liverpool où il peint beaucoup de portraits des nombreuses personnalités de la ville.
En 1773, il voyage en Italie et prolonge son séjour jusqu’en 1775.
De 1765 à 1776 il expose à la Society of Artists puis de 1778 à 1794 à la Royal Academy.

Joseph Wright est contemporain de Reynolds.

Le surnom de “Wright of Derby” lui est attribué par un critique en 1778, à une époque où il n’était pas d’usage d’appeler un artiste par son prénom. Il était indispensable de pouvoir différencier les œuvres de deux artistes nommés Wright, Joseph Wright qui commença à exposer en 1765 et Richard Wright qui débuta en 1762.

Bien que certaines de ses peintures aient été associés à la révolution industrielle du XVIIIe, le principal intérêt de Wright était sa technique du clair-obscur sous lumière artificielle, qui accentue les contrastes entre les parties claires et sombres.

Tournant le dos à la Royal Academy et au Londres à la mode, Joseph Wright est le peintre le plus talentueux de sa génération travaillant en province.

Parmi ses mécènes se trouvaient Wedgwood et Arkwright.

 

Le tableau

Le Vésuve n’entre pas en éruption pendant le séjour de Joseph Wright à Naples, en octobre et novembre 1774.

Cette peinture est donc totalement imaginaire, bien que certainement inspirée par les œuvres d’autres artistes.

 

Composition

C’est un tableau de grandes dimensions.

Le paysage semble être éclairé à la bougie.

C’est une scène nocturne avec de forts contrastes ombre et lumière, un clair-obscur radical qui donne au tableau un caractère solennel.

Wright  place le Vésuve au centre du tableau,  baigné par un clair-obscur emprunté au Caravage.

Par le jeu de lumière et la perspective, il place au second plan la lune qui irradie.

L’intensité des contrastes met en valeur l’arrière-plan et le volcan crachant de la lave incandescente et des fumées rougeoyantes.

Wright accorde de l’attention aux détails naturels.
Il fait l’éloge de la nature, de la lune et des étoiles.

Il y a deux sources de lumière.
Celle évanescente de la lune et celle éblouissante du volcan.
Le mélange des deux lumières crée une atmosphère particulière avec une association de vert olive et de rouges subtils pour les arbres du premier plan.
Ces arbres sont comme une passerelle entre la fureur et le calme.

Le noir lumineux de la nuit inondant le paysage met en valeur les ténèbres et les lumières de l’éruption.
L’œil du regardeur est attiré par le volcan déchaîné.

Wright utilise une touche veloutée.

Par souci de réalisme Wright choisi de représenter un paysage de nuit avec un village endormi, évacuant ainsi la fuite des personnages et leur terreur.

La beauté de ce paysage qui inspire crainte et émerveillement est sublime.

 

Analyse

Les représentations du Vésuve devinrent l’emblème du travail de Wright.
Il peignit au moins trente versions sur ce même sujet.

Les touristes aimaient à rapporter chez eux, en guise de souvenirs, des peintures du volcan telles que celles réalisées par Joseph Wright of Derby.

C’était l’époque du Grand Tour, un long voyage à travers toute l’Europe et jusqu’en Italie, que les jeunes aristocrates entreprenaient. Il s’agissait d’un rite initiatique permettant d’acquérir un savoir culturel et historique, de découvrir des langues étrangères et de nouer des relations.

Rome était bien attendu la destination ultime. Elle attirait les savants, les écrivains, les artistes et les touristes de toute l’Europe.
Florence aussi,  attirait quantité de touristes du Grand Tour, tout comme Venise et Naples.
Cette dernière devint particulièrement prisée après la découverte d’Herculanum et de Pompéi, au milieu du XVIIIe.

Le Vésuve se réveille à partir de 1631, dans les années 1760 les éruptions sont particulièrement fréquentes et se prolongent jusqu’au milieu de XIXe.
Pierre-jacques Volaire, membre de l’académie de saint Luc à Rome, s’installe à Naples en 1767 où il assiste à plusieurs éruptions du Vésuve et se spécialise dans leur représentation.
Très vite imité par d’autres artistes dont Joseph Wright.

L’éruption du Vésuve telle que Joseph Wright la représente sort de son imagination et des modèles de tableaux de Pierre- Jacques Volaire qui lui, avait réellement assisté à une éruption.
Les représentations du Vésuve en éruption de Joseph Wright connaîtront une large diffusion.

Au XIXe l’avancée des fouilles archéologiques déplace l’intérêt des éruptions volcaniques vers l’évocation de la destruction de Pompéi.

Cette scène de catastrophe sensationnelle, cinématographique avant l’heure est un manifeste du style romantique.

Comme souvent dans les paysages de Joseph Wright, le sujet de ce tableau est la lumière.

La lumière est le sujet permanent des expériences picturales de Joseph Wright.

En tant que peintre de la lumière naturelle et artificielle, Joseph Wright adhère au style clair-obscur opposant lumières et ombres dans sa composition.
Joseph Wright est tributaire de Caravage qui l’a marqué par sa technique.

La radicalité du contraste dans cette scène de clair-obscur est une marque de fabrique du peintre pour ses paysages.

Ce clair-obscur rend la scène théâtrale et dramatique.

Les héritiers du clair-obscur apparaissent dans les Province-Unies avec Gerard von Honthorst ou en France sous l’égide de Georges de La Tour.
Les peintres du clair-obscur sont en lien direct avec le naturalisme romantique de l’école anglaise du paysage.

Des similitudes peuvent être établies avec Caravage mais l’approche globale de Joseph Wright est celle du mouvement romantique.

Ce tableau met en exergue la lune, source de lumière naturelle dévoilant le village.
Joseph Wright peint un soir de pleine lune.
La lune qui émerge lentement derrière la montagne colore de tonalités nacrées le village et les arbres.

La principale source de lumière est celle du volcan.
Elle éclaire le premier plan et les arbres et focalise l’attention du regardeur sur le centre de la composition.
Au premier plan la végétation a des reflets rouges et verts qui préludent aux coulées de laves fumantes déboulant du volcan en éruption.
Au centre de la composition la montagne en feu domine.
Elle décline une gamme de rouges effrayants.

Cette lumière vive qui émane du cœur de la terre est peinte comme une lumière artificielle.

L’espace laissé au premier plan invite le regardeur à s’approcher du brasier.

Joseph Wright reproduit la lumière évanescente qui donne à son tableau un style romantique.

Son intérêt pour la description des ciels a été probablement suscité par le travail d’Alexander Cozens. Joseph Wright possédait des œuvres de ce peintre.

Ce tableau peut être considéré comme une médiation sur le mérite artistique du clair-obscur au clair de lune.

Joseph Wright rend l’impression du paysage qui va changer d’un moment à l’autre.

Ce tableau imaginaire fait référence à la destruction de Pompéi.
Le choix de peindre une éruption volcanique de nuit, avec un village endormi, évacue la frayeur des hommes engloutis par les laves brûlantes inondant la plaine.

Joseph Wright capture le drame d’une éruption volcanique et en extrait le suc, la beauté du volcan en activité.

Joseph Wright saisit l’aspect angoissant du moment représenté.
Il utilise le ténébrisme nordique de Honthorst, en le renouvelant par une étude de la lumière.

Ce choix d’éclairage qui renvoie au mystère du sacré, communique au tableau une atmosphère à forte intensité émotionnelle et conduit le regardeur sur une spéculation de la beauté d’une éruption.

Joseph Wright transcende dans un tableau sublime une éruption volcanique qui marque l’imaginaire du regardeur.

D’aucun y trouveront l’expression de la fragilité humaine.

Joseph Wright peint en grand format une scène connue de tous.
Son intention est de faire apprécier son art auprès de ses amis et de ses réseaux artistiques et intellectuels.

Le style de Joseph Wright est singulier, c’est un trait d’union entre Caravage, ses disciples et le naturalisme romantique de l’école anglaise du paysage.

F.D. Klingender (historien de l’art) écrit : « la situation de Wright parmi les artistes anglais laisse penser que son intérêt pour les problèmes de la lumière était dû pour une bonne part à son tempérament scientifique et à l’influence de son entourage ».

 

Conclusion

Le style de Joseph Wright évolue continuellement tout au long de sa vie d’artiste. Sa production ne mêle pas plusieurs genres en même temps, mais fonctionne par cycles.

Au retour de son voyage italien, qui lui inspira de nombreux paysages, il s’installe à Derby et continue à peindre paysages et portraits, dans un style plus conventionnel que les peintures qu’il a réalisées à ses débuts.

Joseph Wright fut l’un des artistes britanniques les plus originaux, les plus polyvalent et les plus accomplis du XVIIIe et le premier peintre anglais dont la carrière s’est déroulée en dehors de Londres, à Derby. Il se fit un nom en tant que portraitiste dans les Midlands. Le foisonnement culturel et industrieux des Midlands a permis à ses membres d’appréhender le monde d’une manière moins conventionnelle que dans la société londonienne.

Joseph Wright a intégré dans ses tableaux son amour des découvertes scientifiques de son temps.

Si la peinture de Joseph Wright est atypique, elle est le fruit d’influences conjecturelles, l’industrialisation des Midlands et d’influences culturelles.

Ses œuvres doivent leur caractère unique à l‘environnement de liberté dans lequel vivait Wright.

Sa ville natale, par l’intermédiaire du Derby City conserve aujourd’hui une grande partie de ses œuvres, mêlant peintures et dessins.

À l’instar de Georges de La Tour qui l’a inspiré, Joseph Wright fut reconnu comme un grand peintre de manière tardive.

La Mare aux Fées, forêt de Fontainebleau – vers 1848 Théodore Rousseau

Carton :
« …Au centre la mare semble irréelle. Ses puissants verts contrastent harmonieusement avec le ciel rougi.
Le tableau a fait parti de la collection de Théophile Thoré, qui fut le plus ardent défenseur de Théodore Rousseau ».

Conservé dans une collection particulière aux Etats-Unis

Actuellement accroché au Petit Palais dans la cadre de l’exposition :
 » Théodore Rousseau. La voix de la forêt. »