Conversation dans un parc – 1746 Gainsborough

 

Thomas Gainsborough (1727-1788)

 

Conversation dans un parc

1746

Huile sur toile
Dim 73 x 68 cm

Conservé à Paris, au musée du Louvre

 

De 1713 à 1744, période de paix entre la France et l’Angleterre, des peintres et des graveurs français -comme Watteau, vénitiens- comme Canaletto, venus travailler à Londres y importèrent des éléments du style continental et exercèrent une certaine influence sur les artistes locaux. Cependant l’art anglais de la période rococo s’orienta vers une identité propre.
Vers 1750, le portrait anglais fut dominé par deux artistes aux productions différentes, Joshua Reynolds et Thomas Gainsborough.

 

Le peintre

Gainsborough est né à Sudbury en 1727.
En 1740, il part en apprentissage à Londres. Il est l’élève du graveur Hubert-François Gravelot, élève de François Boucher maître du rococo. Gainsborough est très vite remarqué à Londres.
En 1745 il ouvre son premier atelier.
En 1746, il épouse la fille naturelle du Duc de Beaufort qui verse une rente au couple.
En 1748 il est invité à exposer.
Durant cette période, il peint essentiellement des paysages.
En 1759, il s’installe à Bath, à l’époque, un des plus importants centres culturels de l’Europe. Il change de style et devient le portraitiste à la mode.

Gainsborough n’a pas fait le voyage en Italie mais, les collections privées de Bath lui permettent de découvrir Rubens et Le Lorrain.

En 1768 il est invité à devenir le premier président de la Royal Academy.
À partir de 1769, il expose annuellement ses toiles à la Royal Academy et acquiert une réputation nationale.
En 1774 il retourne à Londres où il peint les portraits des personnages célèbres de Londres.
En 1777, il reçoit ses premières commandes de la famille royale.
En 1781, il peint les portraits du roi Georges III et de la reine Charlotte.
En 1785, il élargit sa palette aux gens du peuple, sa Villageoise avec chien et cruche remporte un vif succès. Le Paysage boisé avec Bucheron révèle la sensibilité de l’Angleterre du XVIIIe.
En 1788, Il meurt d’un cancer.

Gainsborough resta toute sa vie, dénué de prétention. même aux heures de son succès le plus éclatant comme portraitiste, Gainsborough préféra le paysage au portrait. Le dédain ignorant pour ses paysages ne parvenait pas à le rebuter.

Son intérêt pour le labeur quotidien des campagnes, lui permit de capter le charme instinctif de ceux qui vivent près des réalités les plus humbles.

Point de maître, Rubens et Van Dyck n’ont fait que le révéler à lui-même.

 

Le tableau

Dans cette toile des débuts de Gainsborough, un jeune homme courtise une compagne apparemment peu sensible à ses avances, son regard est tourné vers le spectateur.

Si le décor boisé est caractéristique de l’artiste, le traitement des personnages l’est moins. Cette composition anecdotique a probablement été dessinée par son professeur François Gravelot, puis peinte par Gainsborough.

 

Composition

Cette composition est typique d’un tableau de Gainsborough avec, au premier plan, un banc sur lequel se tiennent les personnages et, en arrière-plan, un jardin à la française.

Au premier plan :
Deux jeunes gens de l’aristocratie anglaise, une jeune femme et un jeune homme sont assis sur un banc, dans une attitude empruntée.
Le jeune homme a croisé ses jambes tandis que la jeune femme agite calmement un éventail en tournant son regard vers le spectateur. Le jeune homme tient un livre dans sa main gauche et sa main droite est tendue vers la jeune femme qu’il courtise.

À l’arrière-plan :
Un bois de chênes, un étang et les ruines d’un temple antique.

La composition est emportée par un rythme musical.
Elle est animée par un jeu de verticales (les arbres, les bustes des personnages, les colonnes du temple) coupé par la diagonale induite par le banc et conduisant notre regard jusqu’au fond du jardin, jusqu’aux ruines.
Le jeune homme est dans l’axe du tableau. En traçant une horizontale au milieu du tableau, on coupe les deux têtes ! La rigidité de la scène, la communication laborieuse entre les personnages, sont transmises par cette mise en place.

La lumière filtrée par le feuillage entre par le coin supérieur gauche du tableau. Elle éclaire les personnages et rebondit sur la façade du temple.
Son reflet dans l’eau et ses percées dans le ciel gris et nuageux apporte de la profondeur à la composition.

Gainsborough travaille sa lumière.

Les contrastes sont vifs entre la lumière froide des soies, des satins scrupuleusement rendus et les ombres lumineuses des dentelles et du pourpoint.

Habit rouge et pourpoint doré pour le jeune homme, robe de soie rose et dentelle sur jupon de satin bleu pour la jeune femme, cette gamme colorée harmonieuse des étoffes, met subtilement en valeur les visages teintés d’ombre et de lumière.

Le bouillonnement des feuilles des arbres et leurs dégradés de verts fait écho au bouillonnement de soie rose de la robe.

Gainsborough traite la nature avec la même attention que les étoffes.

Gainsborough applique ses couleurs en une seule couche volontairement souple, fluide et d’une grande brillance. Il obtient cet effet en ajoutant beaucoup d’huile à ses couleurs.

Sa touche est déliée, incisive, son pinceau est fluide.

 

Analyse

Gainsborough est un portraitiste talentueux, incroyablement ouvert aux tendances artistiques de son époque.

Il se distingue de ses contemporains pars sa liberté d’interprétation.

Dans les toiles de Gainsborough, la nature participe au contentement social ou à la mélancolie de la pose.  C’est le portrait qui influe sur le paysage, ce trait distinctif du peintre sera repris par les romantiques.

C’est une  scène de séduction bucolique aux influences mêlées.
Gainsborough adapte les conventions du style rococo français, avec la représentation de la scène dans un jardin et le bouillonnement de soie de la robe laissant entrevoir une cheville et une mule de la jeune femme.
L’influence de la peinture flamande se retrouve dans la manière dont Gainsborough utilise ses couleurs, souvent acides et toniques. Elles sont liquides, fortement dosées en huile – elles glissent sur la palette.
Ce procédé renforce la vision des particules de couleurs.

Le peintre invente son paysage en mélangeant des détails naturalistes avec un arrière-plan ponctué de ruines imaginaires.

Comme le font les peintres français, on pense à Watteau et Nicolas Lancret (son élève), la nature très présente encadre les jeunes gens.
Elle est un faire-valoir pour les personnages.
L’étang et les ruines apportent une touche romantique à la scène.

Gainsborough est d’abord un paysagiste incompris. Il est contraint à l’art du portrait pour vendre ses œuvres.
Il ne renonce pas et associe ses portraits au spectacle de la nature.
Ses représentations gagnent en authenticité.
On pense à son célèbre portait de Mr. and Mrs. Andrews -1750.

Ses personnages ont une image moins flatteuse que celle des portraitistes français ; comme Vigée Le Brun ou Quentin de la Tour.
Cependant, comme eux, il s’applique au rendu soyeux des étoffes, ses toiles aux accents lumineux, sont traitées avec des couleurs d’une grande délicatesse.

Gainsborough ne pouvait produire que d’après nature.
Son imagination ne pouvait fonctionner  qu’avec le contact direct de la vie.
La beauté de la composition primait.
Il travaillait  ses contours et reliefs avec des effets de transparence ou d’empâtements .

Les portraits des plus belles femmes de son temps en témoignent.
Gainsborough a su conserver leurs regards limpides, leurs grâces et leurs élégances aristocratiques.
La ressemblance frappante de l’exécution sollicite notre interprétation.

Chacune de ses représentations dévoile un peu du mystère de la personnalité humaine.

 

Conclusion

Gainsborough côtoya la plus brillante société de son temps, sans se donner à elle. Une de ses lettres rapporte sa volonté constante de maintenir les distances entre sa noble clientèle et son art.

Il savait amuser ses plus illustres modèles et ainsi obtenir d’eux la pose la plus naturelle.

Il eut un rival, l’audacieux peintre Reynolds qui eut la sagesse de ne pas s’en offusquer. Ce sont les deux maîtres portraitistes des années 1760 à Londres.

Reynolds chercha l’inspiration chez les maîtres anciens, tandis que Gainsborough évolua  vers des portraits plus naturels, spontanés et sophistiqués.

Leur confrontation fut productive, leur grande maîtrise technique leur permit de développer un style reconnaissable pour chacun, plus intellectuel chez Reynolds et plus instantané chez Gainsborough.

Le roi choisit Gainsborough pour la présidence de sa Royal Academy.

La générosité de Gainsborough était inépuisable, nombreux furent les jeunes artistes qu’il aida de sa bourse et de ses conseils.

Au mois de juin 1777, il écrit à son ami Jackson : « je suis fatigué de mes portraits. Ah ! comme je voudrais prendre ma viole de gambe, m’en aller vers quelques aimables villages où je peindrais des paysages et où je jouirais de ce qui me reste de vie dans la paix et la tranquillité ».

L’œuvre de Gainsborough est remarquable pour son unité.

Elle repose sur la sincérité du peintre, sur sa vision assez forte pour préserver tout au long de sa vie son ingénuité première.

Tout en restant parfaitement étranger au point de vue moral, Gainsborough fut un homme de son temps.

Monument Sec – XVIIIe s. – Aix en Provence

85BBE4B3-F2FD-4BDD-820A-78CFAA4438E1-COLLAGE          Noé le patriarche                                          Yael tuant Siséra

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Les niches du jardin contiennent des statues du XVIIe, toutes représentant des personnages de l’ancien Testament et provenant de l’ancien couvent des Jésuites.

La construction du monument date de 1792.
C’est un assemblage curieux à la fois poétique et révolutionnaire élever à la demande de Joseph Sec, citoyen aixois pour en faire son tombeau.