Mosaïque du bon Pasteur – vers 425-430 – Mosaïque byzantine

Mosaïque byzantine à Ravenne 

 

Mosaïque du bon Pasteur 

Vers 425-430

Tesselles
Dim:  L : env. 300 cm 

Conservée in situ dans la cité italienne de Ravenne, église Sainte-Croix

 

 

La mosaïque 

Les voûtes de ce petit édifice en croix, l’église Sainte-Croix, sont recouvertes de mosaïques disposées sur un fond bleu.
Le motif central au croisement des deux ailes est fait d’une croix dorée se détachant sur un ciel étoilé.

Les parties supérieures de la petite chapelle cruciforme, connue sous le nom de  Mosaïque du bon Pasteur est située au-dessus du portail. 

Le Christ est assis en contropposto et caresse un agneau, appuyé dans un geste souverain sur sa crosse, les pieds élégamment croisés.
Le Christ a une figure juvénile et imberbe et porte des longs cheveux qui recouvrent son épaule gauche.
Il est entouré d’agneaux, sa main droite caresse l’un d’eux,  et de bosquets.
Le paysage évoque le paradis.

Cette mosaïque a des qualités plastiques et des tons éclatants.
L’or est employé pour l’auréole et la parure des vêtements du Christ.

Les tesselles d’or et de pâte de verre qui composent la mosaïque ne sont pas posées de manière plane, ce qui crée de multiples reflets donnant une intensité particulière à la composition.

Les tesselles d’or sont des feuilles d’or enfermées entre deux couches de verre. 

 

 

Ravenne : premières mosaïques byzantines 

Très utilisée pendant l’Antiquité romaine, la mosaïque reste en usage tout au long du Moyen-Âge, en particulier chez les byzantins, continuateurs des grecs et des romains et tout au long de la Renaissance.
La cité de Ravenne compte aujourd’hui encore d’étonnantes mosaïques datant du début du christianisme. Elles témoignent de l’extraordinaire richesse de la décoration architecturale mise au service par les gouverneurs séculiers, les autorités religieuses, mais aussi par des particuliers.  Cette décoration architecturale révèle à la fois l’idéologie de la doctrine religieuse et un mécénat laïc particulièrement actif.

Les plus belles mosaïques de Ravenne furent réalisées entre le début du Ve et la moitié du siècle suivant, période correspondant à l’antiquité tardive ou au début de l’ère chrétienne, et qui s’achève avec la mort de l’empereur Justinien en 565. 

Les œuvres les plus anciennes, comme celle du mausolée de Galla Placidia conservent un style classicisant et quelque peu naturaliste en présentant des personnages ancrés dans un espace tridimensionnel ; par contraste, les mosaïques du VIe sont plus symboliques et utilisent souvent des fonds unis sur lesquels les sujets sont représentés de façon stylisée et frontale.

Lors du 1er siècle, Ravenne, située à proximité du port militaire de Classe -un port majeur pour les romains- finit par devenir la capitale de l’empire d’Occident. Le roi ostrogoth Théodoric (règne : 489-526) s’empara de la ville, qui fut ensuite reconquise par Justinien 1er, pour devenir au VIIIe une ville sans histoire et relativement isolée, victime au cours de ce même siècle d’un pillage orchestré par Charlemagne. Bien qu’elle connut une époque de gloire, les revers de fortune de Ravenne la transformèrent en une simple bourgade de province. Mais ce développement avorté lui permit de préserver ses extraordinaires bâtiments du début de l’ère chrétienne.

Honorius, empereur de l’empire d’Occident de 395 à 423, déplaça la capitale de Milan à Ravenne en 402. Sa demi-sœur, Galla Placidia, laissa son empreinte sur la ville grâce à une église majestueuse dédiée à saint jean l’évangéliste et une chapelle cruciforme, petite mais superbement décorée, l’église Sainte-Croix.
Dans les années 425 à 437, le cardinal Ursinus bâtit un baptistère, ultérieurement décoré par le cardinal  Néon et qui fut utilisé par les chrétiens orthodoxes.
Un autre baptistère fut érigé sous Théodoric, qui avait grandi à Constantinople en tant qu’otage puis fut envoyé à Ravenne pour administrer la ville en 493.

Théodoric était un arien, il pratiquait une forme de christianisme prônée au IIIe par le cardinal d’Alexandrie Arius.
L’arianisme diffère de l’orthodoxie en ce qu’il nie l’existence du Christ et croit que le fils de Dieu fut crée à partir de rien et que, par conséquent, il n’est pas composé de la même essence que son Père.
Cette dissension religieuse fut le motif qui poussa Justinien à prendre Ravenne en 540 et, pendant son règne, certains des bâtiments dont la construction avait démarré sous Théodoric tels que les basiliques Saint-Vital, Saint-Appolinaire-le Neuf et probablement aussi Saint-Appolinaire in Classe, furent achevés.

L’art byzantin n’a jamais représenté ni les nuages orageux ni le crépuscule, parce que ce ne sont que des effets quotidiens, éphémères et instantanés. Il sont complètement ignorés dans cette mosaïque qui tend à exprimer l’éternité inchangeable.
L’atmosphère, stérile et calme, contribue à l’impression d’irréalité, accentuée par le fond d’azur.
Celui-ci n’est qu’une froide projection de l’air sur laquelle même l’application de quelques astres géométrisés ne fait que souligner le caractère surnaturel  du monde de l’au-delà.
L’épuration du fond d’azur de tous les éléments réalistes ainsi que l’unification graduelle de la couleur firent naître une surface monochrome azurée qui, quoique dérivant des traits réalistes de l’atmosphère, n’était plus la représentation de la profondeur bleuâtre de l’air, mais devenait son symbole.
Tous les éléments réalistes de l’atmosphère et du sol, transformés par les siècles, perdirent leurs traits animés pour n’être remplacés que par trois surfaces symboles, le fond d’or, le fond bleu et le fond vert.

Le caractère réaliste  de l’ambiance, propre à la peinture antique et conservé encore dans la peinture paléochréitienne, était modifié par amour de l’irréalité et de la monumentalité majestueuse qui caractérise la peinture byzantine. 

La mosaïque murale doit beaucoup à la statuaire et c’est ce caractère de magnificence qui l’a fit adoptée pour décorer les basiliques chrétiennes.
On retrouve les fonds bleus qu’en Italie.
La plus ancienne mosaïque chrétienne à fond d’azur parvenue jusqu’à nous est celle de l’arc triomphal de Saint-Paul -hors-les Murs. Cette œuvre date du pape saint Léon, qui fit construire cet arc avec les subsides de Galla Placidia entre 440 et 450. La mosaïque représente la Vision apocalyptique.

Le christianisme a identifié Dieu avec la lumière sous l’apparence de Jésus Christ.

L’arrivée du Christ symbolisant la lumière éternelle  est inépuisable.
Elle était déjà annoncée dans le livre du prophète Isaïe : « Désormais, ce n’est plus le soleil qui sera pour toi la lumière du jour, ce n’est plus la lune avec sa clarté, qui sera pour toi la lumière de la nuit. C’est le seigneur qui sera pour toi la lumière de toujours, c’est ton Dieu qui sera ta splendeur… »
Le Christ lui même dit « je suis la lumière du monde », « celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière qui conduit à la vie ».
L’identification de la lumière à la vie, incarnée dans la personne de jésus Christ , s’étend dans le mode chrétien à la vie future, celle d’outre-tombe, où les bienheureux vivraient entourés de la lumière divine, inchangeable et inépuisable.

Le sens profondément symbolique de la lumière a ainsi déterminé sa fonction dans la peinture byzantine.

Étant la source du rayonnement lumineux, Jésus Christ lance des rais de lumière sur les formes et les personnages environnants, en soulignant aussi, de cette manière, sa position primordiale dans la composition.

La scène est organisée pour attirer l’attention des regardeurs sur la partie la plus importante de la composition, celle où se trouve le Christ.
La complexité de la lumière éclairant l’espace dans la sphère de la peinture byzantine n’a qu’un rôle, celui d’organiser l’espace.

Le mausolée de Galla Placidia se trouve dans l’église Sainte-croix qui est un des plus ancien monument de Ravenne.
Ce fut en 423 que Galla Placidia, sœur d’Honorius, après avoir fait reconnaitre son jeune fils Valentinien III comme empereur d’Occident, s’installa avec lui à Ravenne et gouverna l’Empire en son nom et c’est à son souvenir que ce rattache cette église dont les revêtements en mosaïque  sont les chefs-d’œuvres de la technique aux fonds d’azur.

Cette magnifique et harmonieuse mosaïque située au-dessus du portail, se détache sur un fond d’azur. Le fond bleu sombre uniforme fait ressortir l’éclat des couleurs.

Le bon pasteur qui surmonte le portail est la figure symbolique de la royauté du Christ. Assis sur un banc de rocher au milieu d’une prairie émaillée de fleurs dans laquelle paissent ses brebis, il est vêtu d’une tunique brochée d’or. Appuyé d’une main sur une croix d’or, il caresse de l’autre une brebis avec une expression de calme et de majesté souveraine.

L’historien d’art, Charles Diehl (1859-1944) fait observer : « On ne peut assez dire, la richesse élégante de cette décoration, la rare science du coloris qui s’y manifeste, l’inspiration toute antique qui y éclate encore ».

À peine un demi-siècle après les constructions de Galla Placidia, les fonds d’or faisaient leur apparition à Ravenne dans les édifices élevés par Théodoric.

Au VIe les fonds d’azur paraissent complètement abandonnés. L’effet de richesse éclatante que produit l’or convenait mieux à la majesté impériale.,mais ne donne pas aux mosaïques la même note harmonieuse que les fonds d’azur.

C’est un art raffiné et délicat qui disparaît après plusieurs siècles d’histoire.

 

 

Conclusion 

Cette église suffit à montrer que Ravenne fut au Ve un centre important d’ateliers de mosaïstes. En général, on fait venir cet art de Constantinople d’où arrivait Galla Placidia, mais on ne tient pas compte du fait que l’Italie possédait assez de trésors d’art hellénistique pour inspirer les artistes du Ve, sans qu’il soit besoin de conclure à une importation étrangère. 

Surtout on néglige entièrement la tradition des fonds d’azur que l’on peut suivre en Italie depuis l’ère chrétienne d’une manière ininterrompue.

L’action des mosaïstes ravennates s’est d’ailleurs exercée au Ve en Italie, comme le montrent les rapprochements qu’on a pu faire entre les mosaïques de Galla Placidia et celles des chapelles de Saint-Jean de Latran et du  baptistère de Naples.

Les fonds bleus survivent dans la peinture murale aussi bien dans l’art de Constantinople qu’en Italie, en France, en Espagne aux époques romane et gothique.
Les peinture de la chapelle de l’Arena à Padoue montrent la puissance et la suavité  de l’effet que les fonds bleus peuvent produire quand ils sont employés par un peintre tel que Giotto.

 

 

Sources :
Article chez Persée, d’ Anka Stojakovic -1975 : Jesus Christ, source de la lumière dans la peinture byzantine
Article chez Persée de Louis Bréhier- 1945 : Les mosaïques murales à fond d’azur