Exékias
Ajax et Achille jouant aux dés
Vers 540-530 av. J.C.
Amphore à figures noires
Hauteur : 61 cm
Conservée au musée Gregoriano Etrusco au Vatican
L’artiste
Exékias est né à,Athènes; Il était peintre et potier.
Sa période de production se situe approximativement entre 550 et 525 av. J.C. à Athènes.
Sa poterie fut exportée vers d’autres régions, comme l’Éturie.
Peintre et potier novateur, Exékias a expérimenté de nouvelles formes et imaginé des techniques inhabituelles, tel le lavis de rouge-corail pour faire ressortir les couleurs.
Exékias a vécu à Athènes où il exerçait sont art dans un atelier du quartier de Céramique.
Exékias a vécu à l’époque de la tyrannie de Pisistrate.
Il savait écrire.
Il avait une préférence pour les amphores. La panse de ce type de vase offrait une surface picturale favorable au style du peintre, sa capacité à saisir un moment précis d’un épisode.
Il a peint cette amphore selon la technique dite de la figure noire, qui ne fut utilisée que pendant une période relativement courte.
La technique : sur les vases dits à figures noires, où la silhouette des personnages et des objets mobiliers est d’abord indiquée par une couche opaque de couleur noire lustrée, l’artisan, après la cuisson du vase, dessine sur cette surface noire, qu’il entame et incise avec une pointe fine, tout les détails des traits du visage, de la barbe et des cheveux, de la musculature, des plis des vêtements ou la structure des objets accessoires.
L’amphore
Ajax et Achille jouant aux dés est l’une des œuvres d’ Exékias les plus célèbres.
Exékias a signé cette amphore à vin à la fois en tant que peintre et en tant que potier.
C’est le plus ancien exemple connu d’un nouveau type de vases présentant des anses plates et peintes et un pied mouluré.
La scène :
Elle occupe la panse du vase, cela lui donne un aspect monumental.
Dans cette composition rien n’est laissé au hasard.
Pendant une accalmie au cours du siège de Troie, les deux plus grands guerriers grecs, Achille et Ajax (identifiés par des inscriptions au-dessus de leur tête), passent le temps en jouant à un jeu de hasard.
Les deus héros sont absorbés par le jeu.
Achille qui porte toujours son casque, annonce « quatre » tandis qu’Ajax obtient « trois ».
Exékias ajoute ainsi l’animation familière à la tension psychologique.
Avec ces détails, Exékias crée un type nouveau de représentation et annonce le style classique.
La netteté du profil concourt à mettre en valeur la partie historiée, sur laquelle sont représentés Achille et Ajax jouant aux dés.
La composition est dépouillée, d’une symétrie nuancée, la perspective apparait dans la superposition des plans et des lignes qui se croisent et conduisent le regard au centre de la scène, où les deux héros se penchent vers le tabouret pour lire sur les dés les points qu’ils ont obtenus.
L’alternance d’ombre et de lumière est propre au décor dit « à figures noires ».
Le rôle de l’ombre semble prépondérant puisqu’il est figuratif, l’espace étant représenté par le fond rouge.
Achille et Ajax arqués contre le bord du vase, en sens inverse, constituent l’élément dynamique de la composition.
Exékias a su se libérer de la rigidité qu’implique le recours à la géométrie en donnant de la souplesse aux personnages.
La composition est encadrée par le jeu des contre-courbes des boucliers.
La composition obéit au principe de l’équilibre des tensions des corps, ils tiennent tous les deux leur lance à la main.
Sa technique lui permet de donner un équilibre graphique à la scène strictement délimitée où les héros à la fois souples dans leur posture sont tendus dans leur position avec leurs armes en main.
La subtilité du tracé d’Exékias repose sur l’aménagement des contrastes et sur les effets de cette complémentarité inverse et symétrique qui illustre bien le sens de la scène.
Exékias instaure le plus parfait trompe-l’œil de sérénité et d’équilibre.
L’exquise délicatesse des incises de leurs cheveux et de leurs barbes, et plus encore de leur cuirasse et de leur toge, avec des étoiles, méandres, spirales et d’autres motifs, fait de cette œuvre le plus bel exemplaire de vases à figures noires.
L’autre côté montre une scène charmante avec le retour des jumeaux Castor et Pollux à leurs parents, Léda et Tyndare.
Cet épisode n’est pas dans la tradition des poèmes homériques.
Le regardeur remarque que sept objets sont représentés de part et d’autre de la table à jeu.
Cet hymne au chiffre sept est une particularité d’Exékias.
Le regardeur peut voir la composition de l’image, distribuée de gauche à droite, en sept éléments répartis symétriquement et régulièrement, en armes, sièges et pieds des joueurs.
Il existe une mesure précise des rapports qui existent entre les dimensions de figures aussi caractéristiques qu’Achille et Ajax, ce rapport est de 4 à 3. Cette proportion ne vaut pas seulement dans l’ordre de la hauteur, mais, en ce qui concerne la partie de dés, marque la supériorité d’Achille dans la largeur même du champ occupé. L’aigrette du casque vient à l’aplomb du côté droit de la table de jeu.
Exékias a mis dans le jeu d’Achille quatre éléments (Armes, siège, pieds et table) contre trois à Ajax (armes, siège, pieds).
Exékias caractérise une composition « arithmologique », qui structure les motifs et les objets. Il y a une grande rigueur dans cette construction iconographique.
Le détail acquiert du relief avec les prodigieuses broderies sur les manteaux, gravés avec une perfection miniaturiste.
Exékias concilie le style miniaturiste, le souci du détail et la monumentalité des personnages.
L’image est merveilleusement composée en demi-cercle.
La valeur symbolique d’une harmonie due aux nombres et à l’image.
Cette poterie a d’abord une utilité en tant qu’objet.
C’est une amphore, le récipient le plus utilisé pour le transport de produits de base dans l’antiquité.
Analyse
Le peintre sur céramique et potier Exékias (actif v. 540-520 av. J.C.) est considéré comme le plus grand de tous les artistes de figures noires, et peut-être de meilleur peintre de vases de la Grèce antique.
Il a laissé son nom sur plusieurs poteries, plus souvent en tant que potier (11 fois) que peintre (2 fois).
Si le regardeur apprécie aujourd’hui les vases grecs pour leurs peintures, il s’agissait dans l’antiquité d’objets fonctionnels, certes esthétiques, mais qui remplissaient des fonctions précises.
Plus encore, dans l’économie de l’époque, c’était le potier et non le peintre qui se trouvait à la tête de cette industrie.
C’était lui (ou elle) qui contrôlait l’infrastructure, avec les cuves pour raffiner et entreposer l’argile, les roues et, plus important, les fours et le combustible.
Un peintre pouvait travailler pour plusieurs potiers et beaucoup d’entre eux peignaient leur propre production, mais c’était bien le potier et non le peintre, qui contrôlait les moyens de production et le regardeur retrouve bien plus de signatures des premiers que des seconds.
Les poteries d’Exékias semblent avoir eu une une influence majeure dans l’Antiquité Les vases de sa main qui nous sont parvenus semblant indiquer qu’il inventa ou améliora de nombreuses formes, des jarres aux coupes, en particulier des « coupes à yeux » comme le Kylix – De même il aurait été le premier à utiliser le lavis rouge corail.
Toutefois c’est pour ses peintures figuratives qu’il est aujourd’hui célèbre.
Son trait est sûr et raffiné, et il a développé de nombreuses compositions thématiques dont beaucoup sont chargées d’émotion d’une manière jusqu’alors inconnue.
Ainsi, plutôt que de montrer comme c’était la coutume, le héros homérique Ajax , qui s’était déshonoré devant ses compagnons d’armes grecs devant Troie, mourir en se jetant sur ses propres armes, Exékias le montre quelques instants avant sa mort, au moment où il plante son épée dans le sol, loin du champ de combat, ni son corps musclé, ni sa magnifique armure ne peuvent le protéger.
Le chef d’œuvre d’Exékias est une grande amphore montrant un épisode antérieur de la guerre de Troie, où Ajax et Achille jouent aux dés.
Ce que le regardeur connait de la littérature antique ne rapporte pas un tel épisode, mais l’amphore montre les héros en armes, la lance encore à la main, prenant une récréation au cours d’un siège.
Un examen approfondi du vase révèle des incises d’une finesse et d’une délicatesse inégalées.
La composition, équilibrée mais pas statique, accentue la concentration des héros.
Exékias ou l‘art du moment dramatique.
Exékias accentue la concentration de la scène par la force des regards.
Cette amphore est aussi une œuvre d’art.
Une œuvre d’art qui transmet un message et sert de base d’enseignement.
Les personnages d’Exékias ne suivent plus les schémas traditionnels et évoquent rarement le moment culminant de l’action.
De plus, tout en paraissant plus humains, ils se haussent au niveau des dieux et annoncent en cela l’idéalisme du -Ve
Cette scène enseigne la religion – la mythologie pour le regardeur- et une histoire traditionnelle de l’époque. Achille et Ajax sont deux grandes figures de l’Iliade et deux fils de divinités qui jouent un grand rôle dans la guerre de Troie.
C’est aussi une forme d’éloge à la gloire d’Athènes.
Dans cette scène, Achille et Ajax sont volontairement confondus avec l’hoplite athénien grâce aux armes inspirées de modèles réels d’armes hoplites.
Exékias a puisé son inspiration chez Homère er dans la réalité.
Les héros sont des hoplites. Seul le bouclier béotien est véritablement homérique.
Exékias confond volontairement l’hoplite athénien avec le héros de l’Iliade.
En faisant des héros de l’Iliade des guerriers athéniens, Exékias glorifie la noblesse guerrière d’Athènes au VIe siècle.
Achille et Ajax sont amis. Exékias a représenté à deux reprises Ajax portant le corps d’Achille.
La partie de dés opposant Achille et Ajax rappelle, fut-ce subtilement, une manifestation semblable de désinvolture de la part des opposants au tyran lors de la bataille décisive qu’ils perdirent à Pallènè en 546 (Hérodote, I, 62-63).
Pendant toute la durée de l’archaïsme, le potier est capable de créer ses propres images, donc ses propres réponses aux modifications officielles de la vie religieuse à Athènes.
L’inventivité d’Exékias, sa création septénaire si caractéristique, montrent que le potier est capable de créer ses propres images, une céramique ouverte à toute la richesse de la pensée, de la sagesse grecque archaïque.
L’examen des œuvres d’Exékias, les vases attiques à figures noires révèlent souvent une composition à sept éléments.
Ce privilège accordé au nombre sept peut être rattaché à l’extraordinaire succès de la « mystique des nombres » dans le monde grec au VIe siècle, un succès attesté particulièrement par la tradition pythagoricienne.
Aujourd’hui cette amphore nous transmet une histoire mythologique.
Elle est la trace matérielle du passé.
Conclusion
La forme de vase qu’Exékias affectionne le plus est l’amphore, il est certainement l’inventeur du cratère à calice. Ce type de cratère sera très prisé au siècle suivant. Outre les vases il a décoré des plaques de terre cuite, de type funéraire.
Exékias apparait comme une figure originale tant sa forte personnalité et son goût du perfectionnisme imprègnent ses créations.
Le répertoire iconographique d’Exékias comprend essentiellement des épisodes homériques rappelant le cycle d’Achille, des représentations héroïques avec Heracles et quelques scènes de la mythologie, principalement dionysiaque.
Exékias a compris l’évolution des tendances de son époque.
Il est parvenu à donner à la peinture sur vase la monumentalité qui en a fait un art à l’égal des autres.
Sources :
Chez Persée -article de Jean-Marie Pailler : Le sept, pilier de la sagesse. Pour un nouveau regard sur l’œuvre d’Exékias.
Chez Persée- article de Pierre Somville -1981 : Exékias et l’harmonie des contraires