Icône
Vierge à l’enfant entourée de saints
VIe
Encaustique sur panneau
Dim : 68,5 x 49,7 cm
Conservé au monastère Sainte-Catherine du Sinaï en Égypte.
L’icône
La jeune Marie porte le Christ sur ses genoux.
Elle est entourée de saint Georges et de saint Théodore, qui tiennent des croix devant eux et sont vêtus de capes richement décorées et fermées par de lourdes fibules en or.
Ces deux saints sont des martyrs du IVe et sont connus pour avoir terrassé un dragon.
Au-dessus de ces quatre personnages auréolés d’or se trouvent deux anges, témoignant d’un incroyable style impressionniste. Ils sont auréolés de blanc et regardent en direction du Paradis tandis que la main de Dieu est visible entre eux.
Marie retient Jésus avec le bras droit et la main gauche. Elle le montre comme étant celui vers lequel il faut se tourner.
L’enfant Jésus apparaît non pas comme un bébé mais comme un Christ adulte en réduction, il a le front plissé signifiant qu’il est plein de la sagesses de Dieu.
Le thème de l’incarnation est donc bien central dans l’icône.
La Vierge assure le lien entre le divin et l’humain.
Marie et les deux saints sont repoussés au premier plan par l’architecture et les deux anges.
Les personnages sont plats, ils n’ont pas de volume. Leurs visages sont mis en valeur par l’intensité lumineuse des auréoles de couleur jaune surlignée de noir.
Le modelé des figures est bien proportionné et régulier.
L’ensemble de la composition est remarquable par son équilibre et sa symétrie.
Chaque personnage a une place et des dimensions correspondant à son importance dans la scène.
Le peintre emploie le jaune citron, le vermillon. Il utilise le noir, le brun qu’il rehausse de touches blanches.
Les vêtements sont blancs pour saint Theodore , bruns pour la Vierge et rouge pour saint Georges. Les nimbes sont jaune citron. Dans leur dos, les anges sont blancs. Tous ces tons sont combinés de manière extrêmement hardie.
Focalisé sur la couleur le peintre ne s’occupe pas du relief.
Les vêtements sont tout à fait plats.
Les angles aigus au lieu d’être courbes ne donne pas de relief.
L’icône est dessiné selon la perspective inversée, la profondeur spatiale de l’icône est volontairement réduite dans le volume de la planche en bois, comme si on regardait à l’intérieur d’une petite chambre. Les perspectives ne s’appuient pas sur la réalité visuelle mais sur la dimension d’un monde cosmique où l’espace semble s’enfoncer en largeur et en profondeur, en longueur et en hauteur.
Le peintre byzantin reste attentif aux proportions variées de sa perception, il considère l’espace non pas comme un tout mais comme un monde relatif, temporel, soumis aux corps qui l’habitent et animé par ceux qui le parcourent.
La construction de l’icône par superposition de plans empilés les uns sur les autres -depuis le plus reculé (la feuille d’or) jusqu’au plus proche du regardeur- renforce la nature épiphanique de l’image.
Les éléments qui la composent semblent surgir hors de leur support pour se révéler, de la même manière que Dieu l’avait fait à l’homme, au regardeur qu’elle interpelle.
Ainsi le regardeur croyait que l’on s’adressait à son « œil intérieur » et non aux « yeux du corps ». Ces images de l’invisible, tout en s’adressant aux sens et à la raison du regardeur, lui donnaient l’impression de les transcender.
Tandis que les images perspectives de l’Antiquité et de la Renaissance attirent et absorbent le regard et l’esprit du regardeur, l’image byzantine le tient à distance, le tient éveillé.
Analyse
Les icônes étaient des œuvres capitales dans la pratique de la religion byzantine et du culte orthodoxe dès la fin de l’iconoclasme, au IXe.
Malgré la constance dans le choix de leur format, elles connurent néanmoins des évolutions dans le temps.
À l’effigie du Christ, de la Vierge, des saints et des anges, les icônes expriment un sentiment de sérénité mâtiné de gravité.
Parmi les icônes les plus anciennes, les plus belles à nous être parvenues sont celles du monastère de Sainte-Catherine du mont Sinaï, un édifice isolé bâti par l’empereur Justinien 1er au VIe.
Généralement représenté de face, le sujet est encadré d’éléments architecturaux et parfois accompagné de saints et d’anges.
Au début du VIIIe, l’empereur Léon III restreignit ou interdit l’usage des représentations figuratives dans l’art religieux et fit détruire ou retirer les peintures et les mosaïques.
La période iconoclaste prit fin en 843, avec la restauration du culte des images.
L’art iconique sous toutes ses formes connut alors des évolutions : les œuvres réalisées à la détrempe, représentaient le Christ, la Vierge Marie et les saints de face, souvent en pied, ou dépeignaient des scènes narratives complexes reprenant des évènements majeurs de leur vie, tels l’Annonciation ou la Crucifixion.
Les saints étaient représentés avec leur attribut permettant leur identification.
C’est probablement au cours du XIIe que les icônes commencèrent à être fixées sur des panneaux en bois devant les sanctuaires des églises, créant ainsi des iconostases, c’est à dire des cloisons ornées d’une icône.
D’autres représentations figuratives, installées sur les autels, n’étaient découvertes ou mise en valeur que pour les jours de fête.
Les icônes étaient réalisées en diverses tailles, les plus grandes étant destinées à être portées en processions; dans ce cas elles étaient souvent peintes des deux cotés.
D’autres encore, plus modestes, peut-être destinées à un usage personnel devaient être posées sur un autel privé ou emportées lors de voyages.
Dans l’icône de la Vierge à l’enfant entourée de saints la scène paraît sévère, le peintre ne sollicite pas notre sensibilité, mais notre intelligence, notre âme, notre capacité à contempler la grandeur.
Le peintre d’icônes ne prétend pas représenter une réalité humaine.
L’icône est une prière en couleurs.
Le fond doré évoque la lumière divine.
Dans la tradition byzantine, les icônes répondent à des codes stricts -, avec un fondement théologique, que les peintres reprennent précisément pour réaliser un même sujet.
Les regards sont graves et soulignent la majesté de Dieu. Il n’y a pas de sourire ni de marque d’affection entre Marie et Jésus.
La pureté des silhouettes, leur immobilité et leur développement sur une surface idéalisée sont quelques unes des constantes de l’image byzantine.
Le peintre idéalise la beauté afin qu’elle mène vers un monde spirituel, appelé
« néotique » par les byzantins, pour le distinguer du monde physique.
L’icône est une pensée abstraite mettant en relation le visible et l’invisible.
En rendant visible l’image naturelle de Dieu en la personne de son fils, l’icône est un objet sacré, mémorial de l’incarnation divine.
Ce statut extrêmement élevé, faisant communiquer le saint et le sacré par la ressemblance symbolique, situe l’icône au centre des enjeux de pouvoir que pouvaient avoir les deux principaux acteurs de la civilisation byzantine l’empereur et l’Église.
Technique :
Les plus anciennes icônes ont été peintes avec des couleurs à l’œuf appliquées sur un fond formé d’un mélange de craie pilée et de colle, le tout était ensuite recouvert d’épaisses couches d’huile cuite. Cette huile en vieillissant prenait des teintes si sombres qu’il était nécessaire de repeindre de temps en temps l’icône. On procédait soit en appliquant directement de nouvelles couleurs sur les anciennes, soit en grattant la couche précédente et en peignant sur un fond neuf.
L’image ainsi remaniée s’écartait chaque fois un peu plus de l’original.
Par les différents composants utilisés, l’iconographe rassemble ainsi les règnes animal, végétal et minéral, de manière à rendre grâce à Dieu et à la Création.
Devant ces figures immobiles , le regardeur doit faire preuve d’une attitude active.
Un autre type de mouvement , celui du regardeur, se dégage alors et cela doublement, d’une part par l’effort demandé par son esprit pour décrypter les apparences, en l’incitant à scruter les différents éléments qui composent la scène et à s’arrêter sur tel ou tel détail pour mieux le saisir ; d’autre part, par la mise en place dans les églises byzantines des programmes iconographiques qui le mènent d’image en image.
Conclusion
Les plus anciennes icônes byzantines ont transmis leurs traits principaux par le type de visage, les corps, les attitudes, les vêtements.
Byzance apporte ses enseignements et ses traditions.
Les deux concepts d’image et d’icône sont fondateurs de toute la réflexion du christianisme oriental sur l’iconographie religieuse.
Les icônes ont dans l’Orthodoxie une fonction essentielle qui est de transmettre par des images artificielles en deux dimensions, peintes sur bois, le mystère de l’incarnation. Elles donnent une représentation figurative mais symbolique du Dieu qui s’est incarné en son fils Jésus Christ sous une forme humaine. Ce peut être une image de Jésus comme une image de la Vierge Marie avec l’enfant Jésus ou d’un saint ou d’une scène de la Bible.
Toutes ces images artificielles que sont les icônes ont pour objectif de mettre en relation le fidèle regardeur avec l’image naturelle de Dieu le Père qu’est le Fils appartenant à la sainte Trinité.
Le triomphe de l’icône se traduit par une association étroite de l’Église au pouvoir temporel. Pouvoir et images sont indissociables.
Le pouvoir ecclésiastique peut se propager de façon illimitée grâce à l’icône qui est le mode de communication universel de la la vérité.
L’icône a une puissance œcuménique, c’est à dire internationale et universelle.
L’’icône s’adresse à tous, en tous temps, en tous lieux.
Elle n’a pas besoin d’une église mais peut exister partout où elle transporte le regard de Dieu qui la distingue quel que soit le sujet qu’elle représente.
Les icônes de la Vierge et de l’enfant Jésus qui symbolisent le plus directement le mystère de l’incarnation, sont les images les plus populaires, faisant l’objet de pèlerinages réguliers.
Ce retour aux sources byzantines du concept d’iconographie, en particulier à sa signification religieuse, permet d’en mesurer toute sa force.
Il permet également de lui rendre toute sa spécificité, à savoir son lien à l’image dans son sens le plus large, auxquelles est conférée une sacralisée dans laquelle le politique, le culturel et le religieux sont en étroite communion.
L’icône est un art sacré pour l’Église, un objet de vénération qui est spécifique à l’Église orthodoxe en tant que symbole de la résurrection.
L’icône est un support pour la prière, qui aide l’âme, par mimétisme, à acquérir de bonnes dispositions et aussi à se concentrer et à s’élever.
L’icône byzantine est une réflexion qui ne pourrait pas fonctionner sans la participation active du regardeur.
Sources :
Article d’Alexandre Anisimov -1929 : Les anciennes icônes et leur contribution à l’histoire de la peinture russe – chez Persée
Article de Bruneau Michel -2000 : De l’icône à l’iconographie, du religieux au politique, réflexions sur l’origine byzantine d’un concept gottmanien.
Article de Lazaris Stavros- 2007 : Au-delà de l’art : l’image cultuelle à Byzance – chez Persée