Fruits sur la table – Edouard Manet

Edouard Manet (1832-1883)

 

Fruits sur la table
1864

Huile sur toile
Dim 45 x 73,5 cm

Conservé à Orsay

La nature morte en tant qu’œuvre d’art était appréciée pour ses qualités de composition, d’exécution et pour l’illusion de la réalité qu’elle donnait


Composition

Sur la nappe au premier plan, de gauche à droite, des fruits sont représentés en frise : amandes dans leurs coques, grappe de raisins chasselas et une grappe de raisins muscats posée sur une feuille de vigne.

Au second plan, au centre du tableau, un panier d’osier contient quatre pêches et deux prunes reine-claude.

Également sur la nappe :
-un couteau posé en biais sur le bord de la table donne de la profondeur à la composition
-une timbale en argent reflète la lumière.

Le tableau est découpé en deux parties
La première occupée par la table entièrement dissimulée par la nappe occupe les 3/4 du tableau.
La seconde est le mur contre lequel est placée la table.
Manet a choisi pour le mur une couleur marron très foncée qui a pour fonction de faire ressortir le blanc impérieux de la nappe tout en situant la scène : dans les bastides provençales, les murs sont peints en partie basse de couleur foncée.

Manet s’attache au rendu de cette nappe et joue une franche opposition entre le mur sombre et l’éclat de la nappe.

Cette blancheur met en valeur les fruits : le vert des coques d’amandes, la transparence des grains jaunes du raisin chasselas, les éclats des grains bordeaux du muscat.

Dans ce tableau, Manet reprend la palette colorée et les matières des natures mortes de Chardin. Le choix de ses couleurs donne un rendu velouté aux pêches qui s’oppose à la brillance des grains de raisin.

La lumière éclaire le tableau de face, fait scintiller la timbale posée un peu en retrait à droite de la corbeille et,projette des ombres, qui animent la composition.

La facture de Manet est énergique, ses modelés sont rapides. Il supprime les volumes, les clair-obscur et applique ses couleurs par touches plates à l’intérieur de contours bien définis. Manet cherche à reproduire le velouté, la transparence et la fragilité.
Sa facture est soucieuse du réel comme en témoignent ses fruits.


Analyse

Manet n’est pas un initiateur de l’Impressionnisme.
Manet n’utilise pas les nouvelles techniques de la couleur et le traitement particulier de la lumière auquel s’attachent les Impressionnistes.

Manet a peint ses natures mortes parce qu’il avait plus de facilité à les négocier que les portraits et aussi parce qu’il les aimait :
« Un peintre peut tout dire avec des fruits ou des fleurs, ou des nuages seulement » disait-il.

Il peindra des natures mortes avant 1870 et à la fin de sa vie lorsqu’il sera immobilisé dans son atelier par la maladie.

Manet s’inspire de l’estampe japonaise, de la photographie, de Zurbaran, du Titien, de Vélasquez, de Chardin et de J D de Heem.
Chez Manet la peinture n’est pas ordonnée et contrairement aux maîtres anciens, les objets inanimés n’ont pas une valeur symbolique.

Manet recherche la simplicité, le vide joue un rôle significatif.
Que de chemin parcouru entre les Pivoines de 1864 et l’asperge ou Le jambon de 1880.
Manet figure la transparence, les taches de couleurs, les reflets. Il reproduit la manière dont l’œil appréhende la scène.

Il fait de la nature morte un objet de pensée

Manet est le peintre du Déjeuner sur l’herbe et de L’Olympia.
Il mélange les genres, le paysage et le nu, l’histoire et le portrait.
IL annule leur hiérarchie.

Ses représentations se vident de toute signification pour en venir comme plus tard dans l’art moderne, à faire de chaque objet une simple tache de couleur.

Manet a fondé le concept de la peinture moderne