La Vierge au long cou -de 1534 à 1540 Le Parmesan

Francesco Mazzola dit Le Parmesan (1503-1540)

 

La Vierge au long cou

De 1534 à 1540

Huile sur bois

Dim 216 x 132 cm

Conservé à la galerie des Offices à Florence, Italie.


Le peintre

Francesco Mazzola dit le Parmesan est né à Parme dans une famille de peintres.
Il se forme auprès de Corrège. Ce n’est pas son apprenti.
Corrège qui était passé par Rome avait profité de l’expérience de Michel-Ange et de Raphaël. C’est à Parme qu’il peignit Les apôtres Pierre et Paul -1520-24.
En 152O Corrège et le jeune Parmesan travaillent sur les fresques de l’église San Giovanni de Parme, un ancien monastère bénédictin qui venait d’être reconstruit. Cette opportunité lui permet de bénéficier des leçons de Corrège.
Parmesan admire Corrège, ses œuvres boostent le jeune peintre.
À vingt ans Parmesan bénéficie de nombreuses commandes qui témoignent de sa personnalité bien établie.
En 1524, il part à Rome en apportant trois tableaux dont L’Autoportrait dans un miroir-1521-24 et une Sainte Famille-1524.
Pour L’Autoportrait, Parmesan se regarde dans un miroir convexe de barbier.
Le reflet lui renvoie des bizarreries crées par la rotondité du miroir.
Il prend le parti de peindre ce qu’il voit, tout ce qui s’approche du miroir s’agrandit. C’est ainsi que sa main est représentée dans des proportions hors norme et qu’apparaissent les prémices de son style.
Sa découverte  des œuvres de Michel-Ange et de Raphaël est décisive.
Il traduit les modèles stylistiques de la Renaissance en les détournant vers le maniérisme. Comme en témoigne son tableau, La vision de saint Jérôme
Il fuit le sac de Rome en 1527 et se réfugie à Bologne où il restera quatre ans.
C’est à Bologne qu’il peint la Madone à la rose -1530 La vierge est très belle et le visage de l’angelot est vif et malicieux. Lq rose et le globe représentent le salut du monde, le bracelet de corail symbolise la passion du Christ.
En 1531, il retourne s’installer à Parme.
Son dernier travail fut pour l’église de Steccatta. Il termina les fresques de l’église très en retard, vers l’été 1539.
Les dernières années de sa vie il s’intéresse à l’alchimie et s’y perd.
Il meurt seul à 37 ans. Il est enterré dans l’église des Servites.

 

Le tableau

Commandé à Parmesan par Elena Tagliaferri pour sa chapelle personnelle dans l’église des Servites de Parme.

Parmesan passe six années sur cette œuvre ,  au bout de ce temps,  n’étant pas satisfait, il laisse son tableau inachevé.
Parmesan ne livrera jamais son tableau.

Ce tableau est son œuvre la plus connue.
Il symbolise son art précieux.

 

Composition

Au premier plan :
La Vierge est assise au centre de la composition, son pied droit délicatement cambré, repose sur une pile de coussins – sa jambe ainsi surélevée, cale le corps de l’enfant allongé sur ses genoux.  Elle le retient de sa main gauche. L’ enfant a posé sa tête sur son bras. Sa main droite est ramenée sur sa gorge.
À sa droite se tient une troupe d’anges. On en compte cinq.
La Vierge à un cou démesurément long.
L’enfant à le corps étiré d’un garçonnet.
Les anges regardent l’enfant sauf, celui qui au premier plan découvre sa jambe jusqu’à l’aine exhibant une cuisse magnifiquement fuselée et qui regarde Marie.
Il présente à Marie une urne de cristal contenant une croix.
La croix est à peine visible.

À l’arrière-plan :
S’élève une colonne de marbre blanc. C’est une colonne allégorique qui fait allusion à la Vierge.
Devant la colonne saint Jérôme tient un phylactère qui annonce la venue du Messie.
Le saint est minuscule.
Les lois de la perspective ne sont pas respectées, sa taille n’est pas compatible avec la distance qui le sépare de la Vierge.
Deux grands rideaux, un rouge et un marron meublent le fond supérieur gauche de la composition.
L’introduction des rideaux en font une représentation théâtrale.

Le regardant voit  deux plans contradictoires qui l’obligent à « faire le point » pour retrouver la cohérence du tableau.

La composition est en mouvement.
C’est une sorte d’équilibre instable passant par une figure sinueuse.
La Vierge est dans l’axe central alors que la composition est décentrée vers la gauche du tableau coupant les figures des anges.
Une ligne serpentine initiée par le visage de la Vierge, poursuit sa course par son l’épaule et son bras gauche puis est relayée par les plis des vêtements, la tête et le bras de l’Enfant et finit le long de la jambe gauche de la Vierge.

Les couleurs sont acides et froides.
Les couleurs bleu et blanc sont les marques de la royauté.

La lumière entre par la gauche du tableau,  se focalise sur le corps de l’enfant et rebondit sur les chairs et les visages.
Une deuxième source de lumière derrière les rideaux, éclaire la colonne et le saint.

 

Analyse

I – Le maniérisme désigne un style artistique

Ce style se démarque des idéaux d’harmonie et de la conception rationnelle de la peinture, de la sculpture et de l’architecture de la haute Renaissance.
Le maniérisme adopte des formes exagérées, des proportions étirées et des couleurs plus intenses.

Le maniérisme romain apparait dans la seconde moitié du siècle, lorsque Rome dévastée en 1527, reprend son importance.

Rosso Fiorentino est l’un des créateurs avec Pontormo du maniérisme florentin.
Ces deux peintres avaient étudié les cartons de Michel-Ange et de Léonard de Vinci pour les deux batailles.

Les maniéristes considèrent Michel-Ange comme leur modèle.
Michel-Ange est un artiste maniériste par excellence, comme l’attestent ses nus masculins en torsion et ses sibylles colossales du plafond de la chapelle Sixtine, peints dans des tons pastel intenses et encadrés d’éléments architecturaux exubérants.

Les maniéristes travaillent essentiellement pour les cours et les élites intellectuelles européennes, ils allient dans leurs créations une élégance discrète à un grand souci de la surface et du détail, qualités qui conviennent parfaitement à leurs mécènes.

 Cette sophistication, qu’on a nommé « maniérisme » a été la mode d’un moment.
Un moment, parce que ces digressions dans les représentations des scènes religieuses, devenaient un danger pour le catholicisme devant l’essor de la religion protestante.

 II – Cette peinture est typiquement maniériste par son érotisme discret, ses proportions étirées et sa surface précieuse.

 La Vierge avec son cou trop long, monopolise l’attention.
Avec son corps léger, son cou, ses doigts effilés et superbes, ses gestes gracieux et sa posture -sa tête légèrement inclinée rappelle les manières de cours, la Vierge ressemble plus à une jeune-femme très élégante du grand monde qu’à la mère du Christ.
Cette remarque se rapporte également aux anges qui ont de très beaux visages et pour le premier, une jambe parfaite.

La Vierge de ce tableau est très loin de l’iconographie de Marie de Nazareth.

Le regardant est frappé par le caractère artificiel de la composition.

Parmesan introduit un excès de tension dans son tableau.
Il puise son inspiration non pas dans l’observation directe de la nature comme le faisait Raphaël, mais dans l’étude des sculptures helléniques mises au jour dans les environs de Rome.
Et il use de l’anamorphose et de la volonté de surprendre avec la torsion, la difformité et l’insolite.

Tous les personnages ont des proportions étranges qui détournent les intentions pieuses du tableau.
Parmesan joue d’une ambiguïté trop gracieuse pour mériter les foudres des censeurs de la perversité.

Son tableau est une accumulation de détails incongrus et troublants.
Les anges ont de trop belles jambes, les tuniques sont trop échancrées. La Vierge est habillée de lin froissé qui souligne son anatomie et dévoile la pointe de son sein gauche.

Le  peintre soigne le réalisme des détails dans un irréalisme d’ensemble.
Parmesan renonce délibérément à suivre les préceptes classiques.
Il a le goût de l’inattendu, le goût de contrefaire selon son désir.
il s’intéresse à l’instabilité des formes.

Cette complexité dans les formes et la spiritualité qu’elle engendre satisfont les mécènes lassés des représentations classiques.

Troublant et excentrique ce tableau est un pur chef d’œuvre du style maniériste.

 

Conclusion 

Parmi les premiers artistes maniéristes ayant travaillé à Rome dans les années 1520, beaucoup ont fui la ville après son saccage par les troupes impériales de Charles Quint, en 1527.
En se dispersant en quête de travail, ils répandirent le maniérisme dans toute l’Europe.

Tombé en désuétude en Italie à la fin du XVIe, ce style perdura ailleurs jusqu’au XVIIe.

En France, Rosso Fiorentino institua l’école de Fontainebleau et diffusa le style « Henri II ».

Le maniérisme fut également adopté à la cour de Rodolphe II de Prague et dans les villes de Haarlem et Anvers.